Les influences du cinéma féministe touchent intensément le corps des femmes et pour son premier envol, Carlo Mirabella-Davis aura toutes les raisons de bluffer son audience. Entre le désir de rendre hommage à sa grand-mère, condamné à rester au foyer, il arme son récit d’une fresque pittoresque de la société qui surexploite le moindre détail jusqu’à la vie d’une femme. On la rétrograde au rang de procréatrice, mais on en oublie souvent la dualité derrière. Le rapport à l’homme est fastidieux pour celui qui cherche à explorer les dilemmes moraux d’une jeune femme contemporaine. Au-delà des mœurs, le réalisateur cherche avant tout à bâtir une sorte d’allégorie et d’éloge sur un statut que nul autre ne peut se substituer. Si la femme dépend désespérément de sa moitié, cette dernière de reste pas moins indépendante dans ce qu’elle peut bien assimiler, au sens propre comme au sens figuré.


Aux côtés de Hunter (Haley Bennett), nous épluchons le zeste de sa vie monotone et sans inspiration. Elle ne constitue pas l’objet d’une réussite sociale et son genre de l’aide pas à assumer l’autonomie financière. Les faits sont subtilement rappelés, car dans les pays où le capitalisme ne finit pas traverser notre foyer, il reste peu d’issues afin de trouver satisfaction. Pour Hunter, c’est le cas et elle s’en rend bien compte, car elle oscille entre deux mondes sans pouvoir choisir sa voie. Elle se découvre alors rapidement une quête dont elle assume les risques, au détriment de son entourage. Il y a d’abord une question de compulsions chez la femme enceinte, puis celle de sa motivation pour la liberté, rimant avec la réussite personnelle, voire universelle, en extrapolant et en étant un peu plus ouvert d’esprit. Le patriarcat constitue donc une barrière qui l’empêche de s’épanouir et sa prison dorée, en apparence, la conditionne à des tâches ménagères, amplifiant ainsi une détresse mentale.


C’est alors que la maladie de Pica intervient. L’ingestion d’objets non comestibles et surtout dangereux, pour les êtres vivants en général, ramène Hunter à son stade primitif, à savoir celui d’un enfant. Elle devra donc tutoyer un traumatisme lié à son passé et dont elle est elle-même sa propre cicatrice. Cet enjeu justifie bien des choses dans son comportement, car il est évident que dans ces actes quasi-masochistes, elle suit une véritable thérapie. En voie de guérison, elle finit par atteindre l’âme des hommes, dont celui de son mari, manipulateur et sournois, comme sa famille. Mais la galerie de personnages masculins ne se résume pas à cette pensée pessimiste, car il y a de l’espoir et il y a le pardon. En embrassant certaines vérités, l’enfantement qu’elle prépare devient un acte de courage qu’elle répète et dans la plus folle des douleurs, mais rien d’assez fort pour détruire ou empoisonner son intégrité.


“Swallow” révèle donc un nouveau portrait de la femme sur un écran suffisamment large pour qu’on s’immerge tous auprès des victimes de notre époque. De plus, le film soulève également une question de légitimité très intéressante, bien que dans la démarche tout ne soit pas aussi parfait. L’intrigue sait prendre son temps sur une première partie glaçante, mais captivante, avant de nous expédier dans une révolution qui cherche la tension, sans jamais la palper. Passé ce temps, le film renoue avec les saveurs dont on nous a donné les nuances un peu plus tôt, puis on dégage toute la morale sur une nouvelle génération, qui a décidé d'éprouver les règles de la société et sur une autre qui libérera la femme jusqu’à son ascension spirituelle, vis-à-vis des hommes négligents.

Cinememories
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le 10 févr. 2020

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