Sweetie
6.4
Sweetie

Film de Jane Campion (1989)

Jane Campion, réalisatrice Néo-Zélandaise, sort en 1989 Sweetie, une comédie dramatique. Dans un décors pavillonnaire australien, la narration s’ouvre sur la voix d’une jeune femme aux angoisses refoulées, désireuse de retrouver un homme « ? » mystère.  


En ne prenant en compte que la forme sous laquelle se présente l’histoire de Kay, nous aurions tendance à n’y voir qu’une comédie caractérisée par un humour à l’anglaise. C’est-à-dire que, comme le rapporte Stephen Fry, nous suivons une héroïne qui est « comique » justement grâce à sa personnalité ou vie pathétique. S’ajoute à cela une ambiance lumineuse naturelle et diffuse, un panel de couleurs pastels et des personnages triviaux, rappelant l’identité visuelle et narrative de sitcoms des années 1990, telles que Malcolm in the Middle. Rien de cela ne présage un drame psychologique. Néanmoins en dépassant l’esthétique du film et le caractère pathétiquement comique des protagonistes, on peut y voir le traité des angoisses et des troubles d’une femme, qui n’a rien a envier aux essais sur la psychanalyse de Freud.  Rappelons que selon le psychanalyste notre esprit est divisé en trois parties: la conscience, le pré-conscient et l’inconscient, dans lesquels les éléments peuvent s’y déplacer avec plus ou moins de facilité. 


Sweetie met en scène la peur viscérale de Kay de voir son inconscient dévoilé. Incident auquel elle sera fatalement confrontée lorsqu’un élément déclencheur, sa sœur Dawn, entre en scène. Kay a toujours était une femme perturbée par des peurs, mais elle a toujours préféré réprimer à l’inconscient ses angoisses. Un inconscient que Campion compare symboliquement aux racines d’un arbre. Kay entreprend à nouveau ce mécanisme de refoulement, de façon concrète avec l’arbrisseau « malade » que lui offre Louis. Conséquence d’une enfance qui l’a hanté, comme nous l’avoue son soliloque d’introduction, elle entretient la peur (sois-disant révolue) de l’arbre. Un arbre qui est associé à un élément, Dawn (qui y jouait dans une cabane en bois).


Sweetie vient pénétrer par effraction le pré-conscient de Kay, après une trentaine de minutes de film. L'effraction concrète de la maison de Kay est une métaphore du processus Freudien. Kay tente de l’enfouir: elle apparaît tapis dans l'ombre, et elle est tant bien que mal dissimulée par Kay (derrière la porte et elle la désigne comme une amie à Louis). Mais le mal est fait, l'arbre a été déterré de sa cachette et c'est Sweetie la fossoyeuse. Ce n'est qu'une question de temps, comme le rappelle Kay elle-même : « Oh Yeah? You wait. She's a dark spirit », avant que celle-ci ne vienne définitivement perturber tout son conscient; ou simplement réveiller les démons enfouis. S'ensuit alors l'enracinement de Sweetie dans la routine de Kay. Son ombrage "sympathique" recouvre tout: elle joue avec Clayton elle, elle embrasse Louis elle, elle semble heureuse elle, elle a du talent elle.


Le réel problème qu'elle entretient avec sa sœur, est certainement de l'ordre de l'envie. Kay envie sa sœur, car Dawn paraît vivre dans un conscient "bercé d'illusions" sur lequel l'inconscient n'a aucun incident. Les racines de Dawn sont apparentes pour tous: nous spectateurs, Kay la première, Louis et la mère. Mais Sweetie, la concernée n'est pas "perturbée" directement. Alors cette jalousie incongrue réveille en elle toutes ses angoisses inconscientes. Car elle doit vivre avec la peur qu'elles se révèlent, et que finalement tout le monde sache qu'elle est tout aussi mal que sa sœur.


Mais les racines craquellent le plafond, la muraille qui les sépare du conscient va céder. Elle craque sous le poids de l'insouciante Sweetie. Complètement à nue (dans les deux sens) les angoisses de Kay sont révélées à tous. Elle finit par l'accepter (quand elle tente de sauver sa sœur), mais comme toutes angoisses admises elles disparaissent. Tandis que Kay finit par surpasser ses troubles psycho-sexuels, sa relation avec Sweetie et qu’elle finit par avancer, le film nous rappelle la puissance de l’inconscient sur les personnages (pensez à la scène où le père fond en larme car il n’arrive pas à complètement apprécier l’instant sans penser à Sweetie). Une peur inconsciente ouvre le film et un idéal de Dawn inconsciemment fantasmé par le père le referme.      

Créée

le 4 avr. 2023

Critique lue 24 fois

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