Cadeau généreux fait aux fans des heures de gloire de la Shaw Brothers, Wu xia s'annonce comme la relève talentueuse d'un genre quelque peu en perdition. Le Wu Xia Pian est en effet une terre sacrée faite de références très fortes et d'une culture qui ne peut être contrariée. Il est donc très rare de voir des réalisateurs s'y frotter en essayer d'apporter leur petite originalité, histoire de moderniser ce qui, par essence, est plutôt le produit d'une culture traditionnelle. Avec Wu Xia, Peter Chan fait non seulement ce pari de rendre le genre actuel, mais il le réussit haut la main. Quelle ingéniosité de sa part de mêler enquête policière, avec l'approche scientifique du combat et histoire de rédemption classique d'un ancien tueur en père de famille sage, mais aux capacités martiales meurtrières.


L'effet est total, et ce, dès le premier combat que Peter Chan nous offre deux fois de suite, à l'aide d'un procédé narratif tout simplement génial qui lui permet de relire le même cassage de tronche d'un point de vue différent, aidé par une approche pragmatique de ce qui nous avait semblé, à nous spectateur, le simple résultat d'un instinct de survie surdéveloppé (même si bon, vu que Donnie y était associé, on savait qu'il y avait baleine sous gravier !). Cette séquence est pour moi l'illustration même de ce que pouvait apporter un réalisateur comme Peter Chan au Wu Xia Pian, et ce, même si elle paraît un peu facilité par l'écriture, puisqu'elle possède une petite maladresse à mon avis. On a en effet le sentiment, dans la résolution finale de la bagarre, que le point de vue de Kaneshiro est un peu faussé, et permet à Donnie des positions qu'il ne pouvait avoir vu le premier montage du combat. Mais bon, c'est anecdotique et ça n'empêche pas la séquence de prendre sa place dans les plus mémorables du genre que j'ai pu voir.


Passée cette séquence surprenante, Peter Chan continue de monter son histoire avec doigté et délivre une première heure et demie, à mon sens, quasi parfaite. Rien n'y détonne, rien n'est manqué, et même Donnie Yen parvient à y trouver un beau souffle de comédien. On sait que notre poseur assure quand il faut asséner du high kick, mais il est souvent plus timide lorsqu'il faut véritablement jouer. Dans Wu Xia, il prouve qu'il peut, le temps d'un film hein, faut pas déconner, abandonner ses poses de sex symbol pour s'investir dans un rôle plus subtile. On a même la trouille quand, au bout d'une demi-heure, on ne l'a toujours pas vu friter un seul brigand. On se prend ainsi intérieurement à prier Peter Chan de nous redonner le Donnie Yen briseur de mentons qu'on adore tant. A peine notre prière pensée que l'homme nous exauce en révélant la vraie nature de ce frais paysan au passé trouble. La révélation est puissante, exacerbée par une mise en scène digne des meilleurs mangas. Donnie respire à nouveau la classe, c'est incontestable.


Mais curieusement, c'est lorsque les coups de tatane redoublent d'intensité que le film se perd un peu. Ce final notamment, que l'on attend avec excitation puisqu'il annonce le face à face entre le fils repenti et son père maléfique, ne tient pas toutes ses promesses et se voit expédié un peu trop promptement. Et si le retour sur grand écran de la légende ayant fait respirer l'icone monobras de la Shaw brothers pouvait à lui seul nous combler, on reste quand même un peu sur sa faim. Mais la générosité inespérée de cette bobine fait qu'on pardonne sans broncher ce dernier acte un peu timide. Peter Chan pêche sur le finish mais sa fulgurance a été telle pendant près d'une heure et demie qu'on ne peut que finir le film sur un sentiment béat d'admiration pour un homme qui a su apporter sa touche à un genre pourtant très codifié.


C'est bien simple, à part ce final précipité, Wu Xia est pour moi l'incarnation parfaite de cette relève qu'on attend, en tant que fan des films HK oldschool. Peter Chan donne le ton en s'entourant des acteurs qui comptent aujourd'hui dans le ciné HK. Donnie Yen bien sur, qui signe les chorégraphies, impeccables et percutantes, du film, mais aussi l'excellent Takeshi Kaneshiro qui apporte à Wu Xia une partition millimétrée pour faire passer son côté novateur comme quelque chose de naturel. Ces deux atouts en manche, Peter Chan partait bien armé pour dépoussiérer ses classiques en veillant bien évidemment à rester plus que respectueux de l'héritage laissé par ces derniers. C'est à mon avis la voie à suivre pour la nouvelle génération de cinéaste qui voudrait se frotter au genre. C'est en tout cas le genre de bobine que j'espère pouvoir revoir dans les années à venir.

oso
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le 13 févr. 2014

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