La nanarophilie est une perversion cinéphilique similaire à la scatophilie en matière de sexualité. Le nanarophile prend son plaisir à travers des films nullissimes, trames sans queue ni tête, dialogues fumeux de crétinisme , mises en scène abominables, absence absolue de direction d'acteurs, etc. Mais attention, l'amateur de nanar fait une difference tres pointilleuse entre "nanar", "navet", et "merde"; il serait meme terriblement offensif de confondre ces trois catégories s'il vous arrivait de converser avec un nanarophile. Car celui-ci cherche la régression à travers une variété spécifique de second degré: l'inefficacité et la bêtise du film doivent, pour lui, être alliées à une certaine naïveté, voire un certain dérangement mental, ainsi qu'a un reel enthousiasme de la part des auteurs, ce qui en rendra le visionnage aussi navrant que réjouissant (si cela peut faire un sens quelconque pour une personne normale).
Tais- toi quand tu parles est donc un classique du nanar. Il doit ce statut d'abord à sa vedette, Aldo Maccione, qui entre dans sa propre légende avec ce rôle qui (dit-on) avait failli être joué par De Funès (j'en doute) ; et puis ensuite à son auteur- réalisateur , Philippe Clair, un comique juif-pied-noir qui mit au point cette recette particulière à base de blagues infantiles et d'exotisme servis avec un zeste d'érotisme (ici pas encore prononcé malgré Edwige Fenech). Sa recette fut immédiatement reprise à travers toute une série de succédanés où Aldo se montra de plus en plus attachant et les figurantes de moins en mins habillées. Bien qu'il soit le plus faible de la série à mes yeux, ce film reste l'original qui donna naissance à un genre.
Aujourd'hui , la nanarophilie s'est normalisée pour cause d' Idiocratie, et ce film très mauvais est desormais bien plus divertissant et bien moins antipathique que n'importe quelle comédie "de qualité" d'aujourd'hui (en 1981, vous vous moquiez gentiment de "Tais-toi quand tu parles" alors qu'en 2003, on se moquait de vous méchamment avec juste "Tais-toi"). La seule raison pour laquelle il n'est pas imposé au programme de toute grande école de cinéma est que Philippe Clair a commis l'offense écœurante , immorale et impardonnable de n'avoir pas déshabillée Edwige Fenech. Pour cette raison, je lui ai personnellement retiré une étoile, mais il n'aurait pas été injuste de les lui retirer toutes tant le crime est abominable, reconaisson-le.