Take Shelter ("mettre à l'abri", "trouver refuge") est typiquement le genre de film qui vous trotte dans la tête longtemps après son visionnage. Et à juste titre, car c'est une véritable réussite.

Pourtant, l'histoire n'a rien d'extraordinaire : on suit une famille américaine lambda dont le père est pris de violents cauchemars. Persuadé qu'une grosse tempête se prépare, il va peu à peu sombrer dans la paranoïa et mettre sa vie personnelle en péril.

Malgré un déroulement relativement lent, on s'identifie assez vite à cette famille. Les acteurs nous y aide beaucoup, à l'image de Michael Shannon, quasiment sur tous les plans. Sa performance est remarquable et surprenante pour un mec habitué à squatter les seconds rôles.

Les doutes s'installent chez lui en même-temps qu'ils vont s'installer chez le spectateur. Jeff Nichols l'a bien compris et va jouer là-dessus durant tout le film. Est-il vraiment fou ? Voit-il juste ? Un certain malaise se met en place dans le seul but de nous troubler.

Take Shelter, résolument imprévisible, nous oblige à patienter alors que la psychose se fait de plus en plus oppressante. Le suspense, parfois insoutenable ("Open the door !"), est maintenu avec brio jusqu'à la scène finale somptueuse.

La mise en scène, impeccable, participe grandement à cette fascination pour le long métrage, tout comme la photographie, vraiment sublime. Les nuages d'oiseaux, le ciel en furie, cette pluie crasseuse : tous ces petits effets spéciaux, jamais surenchéris, rendent le film totalement envoûtant, dépaysant.

Même si Take Shelter est avant-tout un film fantastique, c'est surtout une occasion en or pour Jeff Nichols de dresser le portrait d'une Amérique singulière, rattrapée par la paranoïa d'une prochaine catastrophe naturelle, alors que les abris anti-atomiques/anti-tornades se construisent et se multiplient à une vitesse inimaginable (traumatisme post-11 septembre ?).

Si le film aime s'amuser à osciller entre réalité et illusion à travers les visions du personnage de Michael Shannon, on peut être sûr d'une seule chose : la peur et la psychose, elles, sont bien réelles.

Créée

le 29 janv. 2012

Critique lue 452 fois

4 j'aime

badgone88

Écrit par

Critique lue 452 fois

4

D'autres avis sur Take Shelter

Take Shelter
takeshi29
9

D'ores et déjà un classique

Si vous n'êtes pas contre une bonne dose de cinéma anxiogène, ou si vous aimez Terrence Malick, ou si vous frissonnez encore en vous remémorant le dernier plan de "Melancholia" (1), ou si vous êtes...

le 18 mars 2012

86 j'aime

10

Take Shelter
guyness
7

Twist lent au bal orageux de la fin du monde

Bâtir un film sur son dénouement est éminemment casse-gueule. D'autant que d'entrée de jeu, seule deux options sont proposées: soit notre héros est fou, soit il est visionnaire. De ce nœud classique...

le 21 mai 2012

81 j'aime

10

Take Shelter
Miho
5

Protège-moi

Après son remarqué Shotgun Stories, Jeff Nichols fut consacré cette année lors de la Semaine de la Critique à Cannes avec Take Shelter, chronique sociale et familiale matinée d'ambiance paranoïaque...

Par

le 12 juin 2011

65 j'aime

7

Du même critique

127 Heures
badgone88
8

Wow...

On pourrait parler longuement du générique du début qui dit tout sur le film (notamment le robinet qui coule au compte-goutte), des dernières images qui te disent d'aimer la vie même si tout le...

le 10 janv. 2011

25 j'aime

Random Access Memories
badgone88
5

Nouveau Virage.

Bon, autant être direct : je suis déçu. Random Access Memories, par rapport à ses aînés, est résolument plus funky, le côté électro étant légèrement mis en retrait, voire totalement effacé si on...

le 14 mai 2013

22 j'aime

2

Whiplash
badgone88
9

Jouissif.

Les tous derniers instants de Whiplash, ponctués par quatre minutes de folie pure en solo de batterie, m'ont plus ému que les cent-vingt minutes cancéreuses de Nos Etoiles Contraires. Où je veux en...

le 10 févr. 2015

18 j'aime