Taram et le Chaudron magique
6.3
Taram et le Chaudron magique

Long-métrage d'animation de Ted Berman et Richard Rich (1985)

Taram et le Chaudron magique est connu pour deux choses: son enfer de production chaotique et son flop monumental.

Mais que vaut-il en lui-même? Devant être à l'origine une adaptation du deuxième tome de la saga de livres Les Chronique de Prydain de Lloyd Chudley Alexander, le film a finalement pris un autre chemin durant ses réécritures multiples et un montage final qui, selon les quelques fans du film, a été gâché par Jeffrey Katzenberg qui ne comprenait rien au cinéma.

Quoiqu'il en soit, penchons-nous en détails sur le film.

Taram et le Chaudron magique raconte l'histoire d'un valet de ferme nommé Taram qui, avec la Princesse Eilonwy, le barde Ritournel et la créature Gurki, va tenter d'empêcher le Seigneur des Ténèbres de s'emparer d'un Chaudron magique capable de ramener à la vie des squelettes pour en faire des guerriers destructeurs.

Intrigue basique et manichéenne de héros contre méchants, certes, mais se déroulant dans un univers visuellement angoissant. En effet, les Studios Disney avaient envie de se pencher sur le style Heroic Fantasy dont les univers sont connus pour leurs inquiétantes étrangetés.

Les couleurs sont ternes notamment un ciel rougeâtre, les personnages se prenent des coups faisant saigner et avoir des hématomes, les animaux ressemblent à des dragons-serpents ailés à la langue fourchue, l'alcool coule à flot, les hommes sont pervers et matent les femmes...Et n'oublions pas la musique d'Elmer Bernstein digne d'un film d'angoisse mettant mal-à-l'aise.

Ah, petit avertissement, le film ayant voulu être spectaculaire dans son univers visuel, il y a des flashs brefs mais également un ou deux stroboscopes durant certaines scènes. Je déconseille donc fortement ce film aux épileptiques photosensibles pour éviter des accidents dangereux.

Mais, le plus impressionnant est, sans le moindre doute, le Seigneur des Ténèbres lui-même dont l'allure squelettique sur laquelle il n'y a que très peu de peau peut terrifier les plus jeunes. Sans compter ses yeux vides ou devenant rouge quand il est en colère.

Tiens, puisqu'on parle des personnages. Si l'univers visuel peut angoisser un public impressionnable, il trouvera, par contre, les personnages fades.

Entre Taram qui passe son temps à chouiner et se péter en chantant ses louanges, Eilonwy étant limitée à un cliché féminin sexiste aimant tout ce qui est mignon et passant son temps à glousser, Ritournel censé faire rire mais n'étant pas drôle et inutile dans l'intrigue, ou encore un Gurki faisant penser à un sous-Gollum de Le Seigneur des Anneaux 1978, on est pas parti pour passer le meilleur moment du monde.

Et le film n'étant qu'une suite de scènes sans véritable intrigue cohérente digne d'une partie de JDR sur table, on s'ennuie assez vite. Ce qui est dommage car tout ceci dit est plus dû aux conflits scénaristes-producteurs n'ayant jamais pu se mettre d'accord sur les péripéties faisant avancer l'intrigue ou la mise en place précise de l'univers de Prydain. Si intrigue et univers visuel s'étaient complétés, Taram et le Chaudron magique aurait pu être un bon film si les scènes avaient été écrites en équipe et non pas créées par des scénaristes ayant dû écrire des scènes chacun de leurs côtés sans se consulter entre eux au préalable.

De plus, Jeffrey Katzenberg, PDG de Disney à l'époque ayant la réputation d'être antipathique et ne pensant qu'à l'argent, a coupé douze minutes du montage final sous prétexte que le film était trop long. Et comme par hasard, les scènes coupées étaient les plus violentes. Sans compter celles qui donnaient un minimum de profondeur aux personnages.

Encore un homme idiot ayant cru faire de l'art sans comprendre ce qui en fait la saveur.

De plus, parmi les scènes coupées, il y en a une qui donnait de l'importance au personnage qui était l'élément perturbateur mais ayant été évincé de l'intrigue par la suite. En effet, alors que tout était centré sur un cochon ayant des pouvoirs magiques, celui-ci finit par ne plus servir à rien dans l'histoire parce qu'un groupe d'elfes sait où se trouve le chaudron magique que les héros recherchent et leur indique son emplacement. Cela alors qu'à la base, le chaudron magique était perdu depuis des siècles et seuls les pouvoirs du cochon en question devaient révéler le lieu où le chaudron magique était caché.

https://youtu.be/oNQT73OO_xM?t=288

Ainsi, le personnage était utile à l'intrigue dès qu'il le fallait et sa présence était justifiée alors que le montage final le rend anecdotique. Pas terrible pour le personnage censé être l'élément perturbateur de l'intrigue.

Cela veut-il dire pour autant que le film est à jeter?

Et bien, c'est compliqué. Malgré le fait que les personnages principaux ne soient pas très profonds, le Seigneur des Ténèbres, lui, est imposant. En plus d'être doublé magistralement par Jean Violette et Bernard Tiphaine, le personnage impressionne par le fait qu'il n'a pas besoin de se salir les mains pour obtenir ce qu'il veut et, également et n'hésite pas en venir aux mains à la moindre contrariété.

De plus, sa mort est terrifiante pour un film familial: sa peau est arrachée et il devient un squelette terrifiant jusqu'à exploser.

Ah vous vous demandez sans doute pourquoi il y a deux voix pour le même personnages.

Et bien, Taram et le Chaudron magique a été doublé en 1985 pour la version cinéma puis redoublé en 1998 lors des sorties VHS, doublage également utilisé pour les sorties DVD et Blu-Ray. Par contre, sur la plateforme Disney+, c'est le doublage de 1985 qui a été conservé mais le doublage de 1998 est trouvable sur d'autres plateformes de streaming.

Revenons maintenant sur les voix. Jean Violette et Bernard Tiphaine sont tous les deux parfaits à leurs manières pour le personnage du Seigneur des Ténèbres en le rendant imposant et terrifiant comme doit l'être un méchant digne de ce nom.

En ce qui concerne Taram, par contre, c'est autre chose. Si, dans le premier doublage, Thierry Bourdon arrive à le rendre à peu près sympathique en le rendant arrogant mais naïf et, toutefois, plein de bonnes intentions, ce n'est pas le cas de Christophe Lemoine dans le deuxième doublage. En effet, ce dernier le rend geignard, prétentieux et insupportable au point qu'il n'est pas un héros digne de ce nom mais une tête-à-claques.

Alors que Barbara Tissier rend Eilonwy un peu énervante mais sympathique et aimant sincèrement ses amis, Chantal Macé la rend stupide, pleurnicharde et la fait glousser toutes les cinq minutes. Ce qui donne envie de lui tirer les cheveux et lui dire "Ta gueule!".

Pour Ritournel, ni Serge Lhorca, ni Pierre Baton ne parviennent à rendre le personnage un minimum supportable mais on peut leur pardonner car il était impossible de rendre le personnage potable vu qu'il est énervant et très mal écrit.

En ce qui concerne Gurki, si Roger Carel parvient à le rendre supportable en lui donnant un ton nous montrant que le personnage souffre de sa solitude lui faisant manquer d'assurance l'incitant à fuir les dangers, Eric Métayer, lui, en fait un crétin lâche et envahissant dont on aurait pu se passer.

Et tout ceci n'est pas aidé par le fait que si la première VF est plutôt bien écrite, la deuxième est emplie de dialogues maladroits où des explications sur pourquoi les personnages font ce qu'ils font ou se trouvant dans telle ou telle situation ont été supprimés.

Par exemple, dans la VF de 1985, Eilnowy explique qu'elle se trouve au château du Seigneur des Ténèbres car elle a été enlevée. Précision passant à la trappe dans la VF de 1998.

Seuls deux éléments dans la VF de 1998 sont mieux que dans la VF de 1985. En effet, alors que la première VF, le nom d'Eilonwy a été remplacé par Eloïse, le nom original a été conservé dans la deuxième VF. Quant au cochon tirelire, il est censé être une femelle mais la VF de 1985 en a fait un mâle tandis que la VF de 1998 a conservé son genre original.

Ah, puisqu'on parle de traduction. Que ce soit la première VF ou la deuxième VF, le respect est aux abonnés absents dans leurs écritures respectives.

En effet, elles ont inutilement changé des prénoms ou noms d'objets alors que c'étaient ces noms qui faisaient tout le charme de l'univers Heroic Fantasy.

On a déjà parlé du nom d'Eilonwy qui a été changé en Eloïse dans la VF de 1985. Cette VF-là et la VF de 1998 ont fait des traductions basiques sous prétexte que les mots originaux n'étaient pas accessible à un public français. Résultat Black Cauldron (signifiant Chaudron noir) a été remplacé par chaudron magique (comme cela est indiqué dans le titre du film).

Le héros s'appelle Taran en VO et les deux VFs ont changé son nom en Taram.

En ce qui concerne Ritournel, il s'appelle Fflewddur Fflam en VO.

Alors que le cochon s'appelle Hen Wen dans la VO, son nom a été traduit par Tirelire dans les deux VFs. Et n'oublions The Horned King (signifiant Roi Cornu) ayant été traduit par Seigneur des Ténèbres.

Tout ça pour dire que Taram et le Chaudron magique est un film dont le visionnage est dispensable. Ce qui est vraiment triste ce dernier ayant un univers visuel sortant de la norme Disney prouvant ainsi que les Studios savaient se donner des défis pour sortir de leur style visuel habituel.

De plus, si le film n'est pas intéressant, son flop n'est pas dû à son scénario mais au fait que les critiques et le public ont dit qu'un Disney ne devait pas être lugubre parce que faire peur aux enfants est un scandale. En gros, ce film est un flop pour les mauvaises raisons et non pas pour les bonnes. Ce qui est scandaleux les adultes prenant les médias de divertissement pour des baby-sitters et non pas comme des oeuvres à part entière. En gros, c'est rageant et ces personnes mériteraient des cours sur la liberté d'expression pour ne plus être c*ns.

De plus, les quelques fans de Taram et le Chaudron magique sont lucides. Ils savent que le film n'est pas terrible mais ils le regardent pour son univers visuel qui, encore une fois, est beau et savent que le résultat final du film est dû à une suite de mauvaises décisions. En gros, s'il est difficile d'apprécier Taram et le Chaudron magique en tant que film, on peut arriver à l'apprécier quand on connaît son contexte de création chaotique nous faisant comprendre que Taram et le Chaudron magique n'a pas été écrit avec paresse et qu'il est un film avec un univers au potentiel gâché.

Que c'est triste!

BlackBoomerang

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6
9

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