Pour les adeptes de dilemmes insolubles...

Tel père, tel fils est un film japonais apparu dans les salles françaises le vingt-cinq décembre dernier. Il avait obtenu le Prix du Jury lors du dernier festival de Cannes. Son réalisateur est Hirokazu Koreeda dont j’avais déjà vu Still Walking il y a quatre ans et demi. Le film dure deux heures. Les critiques qui accompagnent le film sont unanimes et élogieuses.

Le site Allociné propose le synopsis suivant : « Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de six ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l’hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste… »

Les enjeux du film sont clairs. Il m’apparaissait évident que l’heure était davantage au drame qu’à la comédie. La thématique est intéressante et incite le spectateur à s’investir émotionnellement. Il y a également beaucoup de moments où, en tant qu’observateur, je me suis interrogé sur les décisions que j’aurais prises ou pas à la place des personnages. Tout cela valide le choix scénariste du film.

Néanmoins, une bonne idée ne suffit pas à faire un film. J’étais donc curieux de voir comment l’histoire allait se construire et évoluer. La narration nous fait suivre l’histoire essentiellement à travers le regard d’une des deux familles. Les deux couples de parents sont opposés. Les premiers sont aisés et offrent une éducation très classique. Les sentiments à l’égard de leur fils sont peu expressifs. Les seconds sont plus populaires et sont beaucoup plus chaleureux avec leurs enfants. Cette rupture est un petit peu caricaturale mais n’atténue pas l’intérêt du propos.

Le quotidien familial de Ryota occupe la majorité du film. Dans un premier temps, on découvre leur vie avant l’annonce. On apprend la terrible nouvelle à leurs côtés. Ensuite, on suit leur adaptation, leurs peurs et leurs interrogations jusqu’à la fin de l’histoire. Cet aspect est intéressant. Le réalisateur arrive à faire passer des messages et des sensations sans effets trop lourds et sans grands discours. Cette finesse est appréciable et permet au film d’avoir une intensité constante. L’intrigue pose beaucoup de questions centrées autour de la thématique suivante : parents nourriciers ou parents génétiques ? La réponse n’est pas évidente et c’est là que réside la richesse du film.

Le point de vue le plus intéressant est celui de Ryota. En effet, cette épreuve va le construire en tant que père. Dans la première partie du film, il voit son rôle uniquement comme celui d’un mentor qui pousse son fils à exceller dans tous les domaines. Ses seuls contacts avec son enfant consistent à le faire travailler toujours plus pour quitter la médiocrité. Il souffre de voir que sa progéniture n’est pas douée. Après l’annonce, il voit l’explication des faiblesses de son fils qui n’est finalement pas le sien. Cela génère chez lui de vrais conflits. Son personnage a généré chez moi une grande variété de sentiments : compassion, colère, pitié, incompréhension ou encore affection. L’interprétation de Masaharu Fukuyama est en tout point remarquable.

Beaucoup de critiques que j’ai pu lire sur ce film évoquent de grands moments d’émotion et les larmes de certains spectateurs ont coulé. Bien qu’étant naturellement une vraie madeleine au cinéma, je n’ai pas pleuré durant Tel père, tel fils. Je pense que cela s’explique par le fait que l’intensité dramatique est diffuse tout au long du propos. Il manque des scènes fortes et marquantes. C’est un choix scénaristique qui se défend pleinement mais qui explique à mes yeux le fait que je n’ai pas été totalement bouleversé.

Tel père, tel fils est un film intéressant qui m’a davantage touché par son thème que par sa narration. En effet, les émotions résultent davantage des questions générées par la trame que par les événements vécus par les personnages. Je n’ai donc pas été bouleversé par cet opus comme ont pu l’être beaucoup de spectateurs. Néanmoins, je ne regrette pas d’être allé découvrir cette histoire qui ne laisse pas indifférent et qui offre des enjeux assez rares au cinéma. Je conseille donc à tous les curieux d’aller le voir. Ils ne regretteront pas le voyage.
Eric17
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le 30 déc. 2013

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