Libre adaptation du conte éponyme de Judi et Ron Barrett, Cloudy with a Chance of Meatballs raconte les infinis possibles de l’imagination dans un film d’animation catastrophe à l’énergie et à l’inventivité débordantes. Phil Lord et Christopher Miller signent là leur première coopération et livrent un excellent dessin animé qui s’intéresse autant au divertissement qu’à la morale, et qui trouve ainsi la forme idéale, efficace, pour embarquer les spectateurs avec
poésie, humour et bienveillance dans une aventure à échelle humaine.
Flint, jeune inventeur peu intégré à la communauté morose de son île natale, enchaîne les échecs et les moqueries jusqu’à ce que sa machine à changer l’eau en nourriture s’envole au ciel et change radicalement le climat local, sous les yeux émerveillés de la belle Sam, reporter météorologique énergique et ambitieuse.
Le scénario explore
l’accomplissement de soi dans la confiante conscience de ses atouts,
l’idée qu’il faut toujours pousser pour aller au bout de ses rêves, qu’importe les échecs, car c’est bien ce que nous faisons qui nous définit et pas ce que les gens pensent ou l’image à laquelle on se résigne dans ces regards. La mise en scène, animation fluide et univers sympathique, finement caractérisé et riche de trouvailles, joue le rythme narratif avant tout, ne laissant aucun répit aux spectateurs embarqués sans préliminaire dans l’aventure gourmande de Flint et de ses compatriotes. Personnages monolithiques pour la plupart, les caractères autour du jeune héros sont fermes autant que mornes, et marquent le contraste avec son inventivité irrépressible, maladive, autant qu’avec l’enthousiasme sans borne de la belle journaliste.
Sous une pluie de hamburgers, de pizzas, d’œufs au bacon et de pancakes, les caractères se révèlent. L’héroïsme autant que les manigances. L’altruisme autant que l’avidité. Les espoirs naissent, ceux du changement, de l’escapade ultime, ceux qui ramènent
au réel les rêves les plus fous.
Les relations se tissent. Filiation, amitié, amour : quand enfin Flint s’ouvre aux autres, la solitude et le mépris s’effacent pour laisser place à l’appartenance sociale, à la valorisation de soi dans le regard de l’autre, à l’acceptation de soi et à la compréhension de la différence. Le rythme affolant qui tient le récit joue avec maestria des sentiments intimes, jusqu’à l’affirmation finale de la filiation qui monte les larmes aux yeux : au-delà d’un incommensurable fossé et d’une communication depuis toujours imparfaite, le père et le fils se parlent enfin, s’ouvrent leur cœur. Se considèrent.
Fi des menaces du temps et de l’absurdité qui fait l’originalité de l’univers de Flint, le décorum gourmand, s’il souligne l’avidité sans borne des hommes qui dédient leur vie à l’appât du plus gros gain, n’apporte rien d’autre au récit principal, à l’évolution de Flint, qu’un attrait sympathique. C’est bien de l’homme dont il est question ici, et
de la nécessité de préserver ses rêves,
de vivre au plus près de ses envies, de s’y accomplir.
Phil Lord et Chris Miller réalisent un premier long-métrage riche d’émotions, scénario malin et drôle sur un rythme accrocheur. Cloudy With a Chance of Meatballs séduit petits et grands par la sympathie simple de ses caractères facilement identifiables autant que dans son aspect de fable farfelue et gourmande. Il y a de la leçon à avoir
les yeux plus gros que l’esprit,
de l’évidence à les avoir plus gros que le ventre, et de la grâce à les avoir dans ceux d’autrui : sur des valeurs sans fioriture, discours direct, les deux jeunes réalisateurs vont à l’essentiel avec dextérité et finesse pour livrer un récit initiatique à l’équilibre solide, et inviter les adultes à libérer la créativité enfouie dans les rêves de leur enfance, autant que les enfants à croire en les leurs dès maintenant, et à s’y livrer une vie entière.
À les dévorer avec envie.