Exilé en Angleterre à cause du maccarthisme, Joseph Losey signe après plusieurs années de clandestinité un film dont les principales thématiques croisent à la fois son engagement politique et sa trajectoire personnelle. L’histoire d’un père qui tente de sauver son fils accusé à tort du meurtre d’une jeune femme. Thriller à suspense et réquisitoire contre la peine de mort, Temps sans pitié est réédité par Carlotta en DVD/Blu-Ray.


Compte à rebours
Temps sans pitié est d’abord un excellent film noir. Joseph Losey et Ben Barzman, le scénariste, vont reprendre le principe du compte à rebours. Alors que la scène d’introduction révèle l’identité du meurtrier, on découvre qu’un autre homme, le petit ami de la victime, se retrouve accusé à tort et déjà dans l’attente de la potence. Face à cette erreur judiciaire, le père du jeune homme, convaincu de l’innocence de son fils, reprend l’enquête à zéro. Sauf qu’il ne lui reste qu’une seule journée avant l’exécution. Horloges, montres et réveils (et même Big Ben) viennent dès lors symboliser l’égrènement dramatique des heures. Comme ces dizaines de réveils collectionnés par cette femme à moitié folle, cliquetant et sonnant telles de sinistres alarmes.


Des figures marquantes
Comme souvent chez Losey, la plupart des personnages portent en eux des traumatismes. A commencer par le père, de retour d’une cure de désintoxication au Canada, paniqué à l’idée de voir mourir ce fils qu’il a longtemps délaissé. Cet homme dévoré par la culpabilité apparait clairement comme un double du réalisateur, lui-même sujet à l’alcoolisme et éloigné de ses proches des années durant. Le thème du miroir, présent dans de nombreuses scènes prend ici toute sa signification. Autre figure marquante : celle du véritable meurtrier, un businessman autoritaire, jaloux et violent joué avec une énergie quasi bestiale par Leo McKern. La scène où il pilote comme un gosse capricieux son dernier bolide est une des plus remarquables du film.


Mise en scène au cordeau
Joseph Losey excelle dans le placement de la caméra. Le champ-contre champ lors de l’entretien à la prison en est une parfaite illustration. Tout comme sa gestion de l’espace et des décors. Toutes les scènes furent préparées sur storyboard ce qui dénote une grande maîtrise formelle mais sans jamais nuire à la fluidité du récit. La mise en scène fait monter crescendo la tension d’une intrigue policière qui fonctionne en elle-même tout en dénonçant en filigrane le conservatisme de la société britannique. Comme le souligne Michel Ciment dans les bonus, le titre lui-même Time Without Pity peut aussi se comprendre comme « une époque sans pitié », marquée par une justice à charge prônant la peine de mort.
Un très beau film à voir ou revoir.


8.5/10


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Theloma
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le 1 mars 2022

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