Je ne me souviens plus exactement ce qui m’a poussé à lancer ce film en salle de projection. Je m’apprêtais à regarder un blockbuster avec une pizza 4 fromages arrosée d’une bière belge comme le veut ma tradition de trentenaire célibataire. Mais je me suis aperçu que mon système Dolby sonore désuet m’empêchait d’en apprécier le contenu. Mauvaise surprise qui arrive parfois quant on ne se renseigne pas suffisamment sur les spécificités techniques des fichiers téléchargés illégalement sur YGG. Je songeais à la vacuité de mon existence, à cette raison futile de me gaver de plein de films pour en écrire des critiques lues par une poignée d’énergumènes probablement comme moi.


Mauve qui peut !


Faute de trouver une question à mes réponses, j’ai préféré reporter ma sortie de scène définitive à plus tard et me suis donc rebattu sur un Mockbuster, terme analogique bâti sur la contraction de «Mock» (se moquer de) et de «Blockbuster». Il s’agit d’une catégorie filmique à part entière, souvent dédiée aux nanars puisque ces œuvres plagient sans vergogne des films à gros budget. Dans le cas présent, The Amazing Bulk de Lewis Schoenbrun, répondait à la popularité croissante de la Marvel Mania. Les effets de la bière commençaient à se faire sentir, la fatigue aussi après une journée de travail éreintante. Je n’étais pas prêt pour ce que j’allais découvrir.


L’histoire de Henry «Hank» Howard n’est pas si différente de celle de Bruce Banner. Ce scientifique gringalet aussi malchanceux dans ses expériences qu’en amour, tente par tous les moyens de se faire accepter par son beau-père militaire chapeautant son programme de recherches. Ses souris nourries au sérum physiologique OGM ne donnent malheureusement aucun signe de mutation probable, quand bien même il leur donne des os à ronger. Faute de résultats concrets, le bidasse lui refuse la main de sa fille dans son immense cave à vin de sept hectares.


Partagé entre le dilemme d’une vie privée et d’une carrière bien peu épanouies, il décide de s’injecter la substance dans les veines après avoir vu croître une plante verte en buisson ardent. Peut-être espérait-il obtenir le prix Nobel ou bien simplement se faire pousser la barbe pour devenir plus viril. C’est raté, et forcément les choses vont dégénérer puisqu’Henry va se transformer en gros bibendum violet. Bizarrement ce n’est pas tellement Hulk qui nous vient à l’esprit quant on le voit dandiner du cul dans la rue, mais bien à Kim Kardashian (pour le fessier) ou à une version handicapée de Thanos, s’exprimant à coup d’onomatopées.


Hank va alors découvrir l’étendue de ses nouveaux talents, se résumant à encaisser les balles, les coups et les bombes sans broncher. Face à lui, le docteur Folamoule fait péter tous les plus grands monuments de ce monde, du Sphinx à la Grande Muraille de Chine, en passant par la Maison Blanche, Hollywood, le Colisée et l’Opéra de Sydney. Et si le baron de Münchhausen rêvait de la lune, les américains eux y sont allés. Qui enverra-t-on pour contrecarrer les plans du méchant allemand ? Vous l’aurez deviné.


Hardcore Henry


The Amazing Bulk est bien le nanar de haute volée tant espéré. Lewis Schoenbrun glisse quelques références explicites à l’univers Stanley Kubrick (Docteur Folamour, 2001 : L’Odyssée de L’Espace) afin d’intellectualiser légèrement le propos ou presque… Le spectateur abruti par cette bouillie de CGI à peine digne d’un jeu vidéo PS1 (Bubsy 3D) ne saurait néanmoins apprécier ces clins d’œil grossiers jeté à la va-comme-je-te-pousse.


L’intégralité du film a été tourné sur fond vert en l’espace de cinq jours, un record de paresse ou de stakhanovisme, c’est au choix, évoquant la productivité des films de Charles Band ou de Roger Corman. Le parti pris esthétique fût certainement inspiré du Speed Racer des sœurs Wachowski. Il n’y a qu’à constater l’étoile gribouillée de traviole sur la voiture des policiers pour s’en convaincre. Le public se retrouve ainsi plongé dans l’imaginaire d’un enfant de cinq ans jouant avec son coffre à jouet.


Pour combler la pauvreté de sa mise en scène, le réalisateur tente de simuler quelques effets de mouvements à l’aide de décors 3D générés aléatoirement par ordinateur devant lequel les acteurs piétinent. Ce trucage donne l’étrange impression de voir les personnages évoluer sur un tapis roulant. Évidemment ces choix délirants participent au surréalisme de cette entreprise, d’autant plus que le récit convoque pêle-mêle une galerie de créatures absurdes : trolls, chiens, lézards savants, kangourous, bovins, équidés, familles heureuse prototypiques, Zeus qui balance des éclairs du haut de son nuage, le Nautilus, un chimpanzé jouant avec une fusée et tout ce que l’on peut chiper d’une banque de données censée combler les vides d’un environnement aussi figé que Mondelange un dimanche.


Cette entreprise bâtarde semble avoir mutée en cours de chemin. Son budget de 14 000 $ apparaît élevé pour parler d’un simple film entre copains. De là à parler d’accident industriel, il n’y a qu’un pas que l’on franchira allègrement. La séquence d’introduction résume à elle seule le ton bicéphale du long-métrage entre premier et second degrés. Tout le monde semble jouer sa partition sans se soucier des autres, de la dramatisation au cabotinage le plus absolu (le baron allemand et son assistante blonde écervelée).


Seul subsiste cette sensation de surplus délirant et de n’importe quoi gênant faisant office de cache misère. En définitive, ces nombreux artifices et extravagances étaient moins destinés à divertir les gens qu’à gommer l’incompétence et le naufrage artistique d’un homme qui préféra se saborder consciemment pour ne pas devenir le nouveau Claudio Fragasso.


Si toi aussi tu ne te retrouves plus dans l’état de déliquescence actuel de notre société et que tu considères que le monde a besoin de héros, qu'ils soient violents, gros, cons ou attardés mentaux... L’Écran Large te fera passer de zéro à héros, car il suffit d'un collant et d’un peu de matière grise pour changer de peau !

Le-Roy-du-Bis
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le 12 janv. 2024

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