Le film s'ouvre sur une scène explicative de la mort des parents de Peter, avec une shaky cam saisissante qui permet de générer une certaine tension et de lever le voile sur quelques détails inexpliqués du premier volet du dit "reboot". Vient ensuite la très classique scène du méchant qui casse tout mais qui sert à rien (enfin là si, un peu) pour montrer toute la charge de travail quotidienne de notre héros. Jusque là tout va bien. Mis à part... les blagues. L'humour dans les Marvel est très souvent présent, très souvent placé pour détendre une atmosphère pesante, et très souvent réussi. Et bien pas là. Il est d'un niveau digne de cour de récré de CE1, il n'y a aucun second degré, aucune ironie à saisir ou jeu de mots à comprendre sur la situation (à l'inverse d'un Avengers ou d'un Iron Man). Déjà là on sent venir le problème. Si ces blagues ne fonctionnent pas - même sur des enfants de 10 ans -, les équipes post-prod doivent bien le remarquer, non ? Dans ce cas, pourquoi les conserver, alors qu'elles sont totalement inutiles ? Surcharge...

Et lorsque Peter (ou son alter égo) abandonne la vanne, c'est pour se lancer dans des dialogues insignifiants, extrêmement pauvres et qui témoignent d'un soi-disant complexe intérieur qui, au final, ne va pas chercher bien loin (continuer à jouer le héros ou pas). On tente alors de nous divertir en alternant des tonnes de scènes introductives propres à chaque personnage qui, en plus d'êtres bien trop creuses et bien trop furtives, recèlent un excès d'intrigues, de sous-intrigues, de sous-sous-intrigues qui auraient pu être bien plus intéressantes si elles avaient été développées ailleurs. Le film est en effet bizarrement construit, comme si il en contenait plusieurs et ce n'est pas uniquement la faute de la présence des deux méchants - dont l'équilibre entre eux est globalement réussi - mais plutôt celle d'un schéma narratif incroyablement sporadique. Autre gros problème : Electro. Alors qu'on nous promettait un personnage surpuissant, hanté par l'ignorance antérieure de son idole, on a le droit à un espèce de psychopathe solitaire ultra-kitsch qui ne contrôle plus vraiment sa puissance et dont on ne comprend jamais vraiment pourquoi et comment il est devenu si "méchant". La séquence à Times Square est d'ailleurs une des plus marquantes du film, mais aussi une des plus agaçantes, la faute à des slowmotions récurrents insupportables (on a compris que tu savais le faire Marc, c'est bon) qui gâchent tout le potentiel spectaculaire de la scène en question. Côté Bouffon Vert, c'est du tout bon : Dane DeHann lui correspond parfaitement et son maquillage final (innervé par un côté Joker à la Ledger) demeure irréprochable.

En donnant ainsi un côté fun et lumineux à son film, Marc Webb semble vouloir définitivement faire oublier les années dark à la Nolan, et leur ambiance quasiment chaotique. Sauf que l'on oublie pas une trilogie si époustouflante comme ça et que pour prétendre "tourner cette page", il faut un minimum s'en donner les moyens. Ce n'est certainement pas avec ce timbre enfantin donné au film (parfois à la limite du dessin-animé) que le réalisateur pourrait y parvenir. C'est d'autant plus étonnant lorsque l'on assiste pantois au virage soudain que prend TASM2, aussi brutal qu’inattendu, aussi fascinant que détonant. Pour le reste, l'équipe musicale (Hans Zimmer ft Pharrell Williams, pas mal) semble si fière de son travail qu'elle balance sans cesse et à tous bouts de champs son main theme : Paranoia (aussi plaisant soit-il). Emma Stone reste grossièrement convaincante, mais c'est surtout Andrew Garfield, absolument parfait dans son rôle, qui semble tisser définitivement sa toile et donner, au passage, un ton pédant, sûr de lui, limite crâneur à la Tony Stark, à son personnage, ce qui renforce encore plus (étrangement ?) notre empathie à son égard. En fait, la scène finale à elle seule reflète l'ensemble des défauts du film. Spidey vire de l'euphorie au désespoir pour un rien, le tout dans un énorme bordel incontrôlé et incontrôlable, qui part de tous les côtés mais qui n'aboutit, au final, à rien de concret ; plongé au cœur d'une intrigue inférieure complètement inutile (les deux avions : WTF ?!), avec un background sonore et visuel épileptique mais dont la photographie généreusement colorée est magnifique. Tout ça conclu par un cliffhanger mordant. Bien joué Marc.

Globalement divertissant mais profondément vide, The Amazing Spider-Man : le destin d'un Héros est l'exacte antithèse du Dark Knight de Nolan : stérile dans sa réflexion, informe dans sa narration, et pétardant dans tous les sens avec une indigence intellectuelle digne d'un gamin de 6 ans. Bouder notre plaisir de retrouver l'homme araignée serait bien entendu malhonnête mais on a la nette impression qu'il y avait mieux, beaucoup mieux à faire ; et tellement plus à exploiter.
critikapab
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2014

Créée

le 30 avr. 2014

Critique lue 216 fois

1 j'aime

critikapab

Écrit par

Critique lue 216 fois

1

D'autres avis sur The Amazing Spider-Man - Le Destin d'un héros

The Amazing Spider-Man - Le Destin d'un héros
Strangelove
5

En fait un mec qui s'appelle Marc Webb, il est destiné à réaliser un film sur Spider-Man... Non ?...

Le nouveau Spider man, je l'attendais un peu. Parce que le précédent était une franche rigolade, et assez ringard comparé à la trilogie de Raimi (nous dirons d'ailleurs diptyque, le troisième film...

le 30 avr. 2014

68 j'aime

34

Du même critique

Interstellar
critikapab
10

InterCeption

Ma critique ne contient pas de spoilers majeurs. Cependant, si vous n’avez pas vu le film, je vous recommande fortement de ne lire la critique qu’après votre séance ; votre expérience sera d’autant...

le 31 oct. 2014

11 j'aime

2

Her
critikapab
10

"I love the way you look at the world"

Un grand silence. 30 secondes de regard vide. Et les lumières qui se rallument. Voilà ce qu'il faut, au mieux, pour revenir à la réalité. Car après l’époustouflant voyage qu'on vient de vivre,...

le 20 mars 2014

10 j'aime

Une merveilleuse histoire du temps
critikapab
4

Grande histoire, petit film

Lorsque l'on consulte la fiche Allociné d'Une merveilleuse histoire du temps et que l'on s'aperçoit qu'une majorité d'acteurs ont pour portrait un carré gris (sauf pour un acteur français totalement...

le 21 janv. 2015

9 j'aime