Braquage à l'italienne...
The Artist, c'est un peu l'histoire d'un incroyable concours de circonstances et d'ingrédients jetés de manière hasardeuse dans une marmite qui crée pourtant au final un film incroyablement réussi.
Réussi parce que The Artist fédère des éléments qui pris séparément ne fonctionnent habituellement pas ou plus... mais prennent réellement du sens une fois mis bout à bout. Car le postulat de départ n'était franchement pas engageant. Il y a d'abord Michel Hazanavicius qui en tant que réalisateur ne sait rien faire d'autre (ou presque) que des films qui parodient et auto-référencent leur genre en se prenant bien trop au sérieux (oui, car si je veux voir un film d'espionnage des années 60, je vais voir un bon vieux James Bond et pas un OSS 117...). Il y a ensuite Jean Dujardin qui ne sait généralement pas faire beaucoup plus que cabotiner et faire le con devant la caméra. Et puis il y a enfin cette idée folle de faire un film en noir et blanc (et muet de surcroît) en 2011 (et connaissant les tendances d'Hazanavicius, c'était évidemment une nouvelle fois pour se donner une « posture »). Autrement dit, rien de très glamour sur le papier... et encore moins de quoi ramener une moisson de Golden Globes et d'Oscars.
Sauf que le Michel avait visiblement une chance de cocu sur ce coup-là et tenait surtout un scénario (enfin, ne nous emballons pas, une ébauche de pitch) avec un sujet en or : la difficile transition des acteurs de l'âge d'or du cinéma muet vers l'ère des films sonorisés (avec bruitages et dialogues parlés... et non plus un simple accompagnement musical avec un orchestre dans la salle de projection). Et c'est là que l'idée du film muet en noir et blanc (avec quelques très bonnes idées à certains moments que je vous laisse découvrir) prend immédiatement tout son sens (et n'est donc plus seulement là pour faire « genre » comme Michel Hazanavicius en a pris la sale habitude). C'est aussi là que le jeu caricatural de Dujardin trouve également une place exceptionnelle dans un jeu tout en exagération faciale et en caricature si fidèle au cinéma muet. Et que dire de la musique exceptionnelle de Ludovic Bource qui illustre tour à tour à merveille l'insouciance des années folles et la morosité de l'après-crise de 29 qui éclipse de bout en bout l'absence totale de dialogues parlés. Même Bérénice Béjo est parfaite en starlette ingénue des années 30.
Maintenant, il ne faut pas se le cacher, la deuxième partie du film est pour le moins molassonne et tombe dans une niaiserie romantique insondable. The Artist ne méritait certainement pas l'Oscar du meilleur film, pas plus qu'Hazanavicius celui de meilleur réalisateur et Dujardin celui de meilleur acteur (mais bon, comme lui aussi s'est fait flouer par le César du meilleur acteur au profit d'Omar, on sera indulgent). Il méritait en revanche bien celui de la meilleure musique et paradoxalement, celui du meilleur scénario original (qu'il n'a pas eu, pour le coup). Mais en l'état, The Artist est une curiosité à voir absolument qui reste une franche réussite tant les idées y sont bien exploitées et tant la mayonnaise concoctée par Michel Hazanavicius y a (une fois n'est pas coutume) bien pris, aidé en cela par un Jean Dujardin au meilleur de ce qu'il sait faire. Le retour sur terre risque néanmoins d'être beaucoup plus dur pour ces deux-là dès lors qu'il va s'agir de faire du cinéma plus traditionnel et moins auto-référencé.
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