The Batman de Matt Reeves est une énième itération du personnage de l'homme chauve souris au cinéma. Mais ce n'est absolument pas une redite. En reprenant le personnage du chevalier noir, le réalisateur et scénariste ici, livre un film d'un tout autre genre que ses prédécesseurs. Bien loin du monde gothique de Tim Burton, des épanchement psychédéliques gay friendly de Schumacher, ou encore, de l'ancrage dans le réel de Christopher Nolan. Bien qu'on y trouve parfois des points communs, notamment dans le traitement de l'urbanisme de Gothan City.


Là où Nolan allait chercher le genre du thriller avec The Dark Knight, avec une source d'inspiration clairement venue du monumental Heat de Michael Mann, Matt Reeves ici, s'inspire davantage du film noir, du thriller psychologique dans le genre de David Fincher. Et cela fonctionne à merveille dans le monde de Batman.


Le méchant, l'homme mystère (interprété par un effrayant Paul Dano) est ici un serial killer qui laisse des indices au Batman sur chaque scène de crime. Et Batman enquête, apportant son aide au légendaire lieutenant Gordon. 


Batman ici est jeune, a commencé son activité nocturne depuis deux ans, et doute encore de la différence qu'il accomplit à coups de poings la nuit. On suit son cheminement grâce à une voix off discrète qui permet de bien cerner sa psychologie. Robert Pattinson livre une interprétation intériorisée, en colère retenue qui ne cherche qu'à exploser. Entre le Batman charismatique et invulnérable, et le Bruce Wayne marginal et un peu asocial. Tantôt enquêteur, tantôt sauveur, toujours singulier, il illumine le film. 


L'ambiance est une grande réussite. En 3h, on s'immerge complètement dans ce Gotham City, parfois très familier en comparaison aux mégalopoles que nous connaissons, et d'autres fois totalement à part. Quand on se plonge dans le monde de la nuit, dans les boites détenues par la pègre. Ou que la photo, teintée de rouge, ou parfois de lumières saturées, nous montre qu'à défaut d'être dans le réel, on a parfois une vision d'un monde cauchemardesque qui ne demande qu'à être secouru. Sous cette pluie récurente. Au fur et à mesure qu'on y avance, on remarque un contexte de corruption généralisée, dépeint avec finesse et subtilité. Et cela fait écho au monde actuel où le peuple ne fait plus confiance à ses élites qui semblent toujours plus déconnectées. Et où le peuple, finit par se révolter, parce qu'il ne croit plus en la démocratie. Ainsi, placer ce film dans le contexte d'une campagne pour une élection municipale n'est pas un geste anodin.


Il s'agit d'un côté de l'itération du personnage dans un monde post Trump, post 6 janvier 2021 mais aussi d'une proposition inclusive, avec quelques touches subtiles. Ainsi, la nouvelle maire de Gotham n'est autre qu'une femme afro américaine. Gordon, un des rares policiers non corrompu de la ville est justement interprété par Jeffrey Wright, un acteur afro américain. Là où tous les méchants, et tous les personnages corrompus sont des hommes blancs (cis hétérosexuels). Ce n'est pas crié à l'écran,  mais il est difficile de passer à côté devant l'écran.


Enfin, que serait un film noir sans une femme fatale ? La sublime Zoé Kravitz livre une Catwoman féline, indépendante, intrépide et en même temps sensible, qui aide Batman mais qui poursuit également ses propres objectifs, sans jamais sans détourner. Loin d'être un faire valoir, il s'agit ici d'un personnage qui amène un peu de féminité dans un monde très masculin.


The Batman n'est pas un film de super héros, il renvoie davantage à Seven ou à Zodiac de Fincher, et même parfois à Chinatown de Polanski, dans sa façon de traiter l'enquête, la corruption, les moeurs. Le film est servi par une réalisation soignée, où la direction artistique sait où elle va. La bande originale est efficace, et le nouveau thème du batman de Michael Giacchino est simple et obsédant. En quelques notes, on ressent toute la force du Batman. Les séquences d'action sont fluides, les combats bien exécutés et enfin, le casting est excellent. Colin Farrell en Pingouin livre à cet égard une performance remarquable.


The Batman a beau être le 8ème film sur le personnage en trente ans, il n'empêche qu'il ramène un regard neuf sur le personnage, et pourtant familier pour qui l'a découvert à la fin du siècle dernier, en dessin animé. Entre ancrage dans le réel, et plongée dans un monde de corruption et de vice, on en ressort impressionné tant l'entreprise est maîtrisée.

Andika
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2022

Créée

le 4 mars 2022

Critique lue 85 fois

Andika

Écrit par

Critique lue 85 fois

D'autres avis sur The Batman

The Batman
JasonMoraw
8

The Dark Angel

Tim Burton avec Michael Keaton, Christopher Nolan avec Christian Bale, Zack Snyder avec Ben Affleck. Batman est un des super-héros qui cumule le plus de nouvelles adaptations jonglant entre des...

le 2 mars 2022

195 j'aime

30

The Batman
Moizi
3

Tokio Hotel, le film

Sur les cendres de l'univers partagé DC et l'abandon du film Batman de Ben Affleck surgit une nouvelle adaptation, un nouveau Batman, avec cette fois Robert Pattinson dans le rôle titre, le tout...

le 2 mars 2022

184 j'aime

55

The Batman
Sergent_Pepper
7

Drowning in the rain

L’Histoire, on le sait, s’accélère : alors que le filon des super-héros semble intarissable, l’éternel retour des grandes figures génère un enchaînement de versions, recyclages et reboots qui...

le 6 mars 2022

173 j'aime

10

Du même critique

Diego Maradona
Andika
8

Le mythe derrière l'homme

Diego Maradona est un nom que tout le monde connait. Celui d’un footballeur légendaire mais c’est également le titre du nouveau documentaire d’Asif Kapadia, réalisateur britannique à qui l’on devait...

le 3 août 2019

15 j'aime

3

Quatrevingt-treize
Andika
10

Quatrevingt-treize: La révolution, à quel prix...

93 est l'ultime roman de Victor Hugo et n'est pas loin d'être mon favori. Dans les Misérables, le grand père de Marius ne cesse de parler de cette fameuse année 1793 et c'est pour cela que j'ai eu...

le 3 nov. 2015

13 j'aime

3

The Circle
Andika
7

Le totalitarisme bienveillant

The Circle est un film très, très intéressant qui en dit beaucoup sur notre époque.Il s'illustre bien plus par son fond que par sa forme. De plus, le casting est excellent, Emma Watson qui joue Mae,...

le 14 juil. 2017

11 j'aime

1