Le poids d'un héritage peut parfois peser lourd sur les épaules d'un seul homme. C'est ce que doit se dire Bruce Wayne, orphelin en quête de vengeance, lorsqu'il arpente les rues de Gotham City chaque nuit pour la purifier de ses crimes. C'est aussi ce que doit se dire Matt Reeves, cinéaste condamné d'avance à voir son dernier film comparé à ceux de ses prédécesseurs, Burton et Nolan en tête (Shuma qui ? Jamais entendu parler...). Un destin pas forcément juste, mais inévitable, surtout lorsqu'on sait l'empreinte laissé par le réalisateur d'Inception avec ses trois films consacrés au Chevalier Noir. Essayons cependant de faire table rase du passé et de juger The Batman sur ses seules qualités et défauts.


La version que propose Reeves du justicier masqué est sombre, très sombre. Que ce soit au niveau de sa photographie, par ailleurs absolument magnifique, que par son scénario. Batman y est présenté comme un homme en mission, celle de venger la mort de ses parents en éradiquant le crime dans les rues de sa ville par tous les moyens nécessaires. Robert Pattinson campe un héros mutique et violent, dont l'alter ego Bruce Wayne n'est guère plus qu'un reclus vivant caché dans son manoir, incapable de surmonter son traumatisme. Une vision assez classique du personnage poussée ici à son paroxysme, jusqu'à en être caricaturale par moments. On a parfois plus l'impression d'être face à un adolescent un peu émo, qui prend un plaisir pervers à s'isoler et à se considérer comme seul face au reste du monde, que face à un homme en proie à ses démons mais luttant pour les surmonter. Impression renforcée par l'utilisation d'un titre de Nirvana sorti un peu de nul part lorsque Batman se retrouve confronté à une des victimes du Riddler, le grand méchant du film.


Un Riddler au diapason de son adversaire, poussé au paroxysme de sa folie destructrice. Paul Dano prend visiblement beaucoup de plaisir à camper ce psychopathe ultra violent dans sa quête pour révéler la corruption qui gangrène la ville jusque dans ses plus hautes sphères. On sent bien que Reeves cherche à rendre les intentions de son méchant compréhensibles et à créer une forme d'empathie malsaine en en faisant le bras armé d'une justice qui ne fonctionne plus à Gotham. Sauf que son plan est parfois un peu nébuleux, ses motivations pas toujours claires et le personnage manque peut-être un peu d'épaisseur pour véritablement convaincre. Difficile de ne pas le comparer au Joker de Heath Ledger, dont la folie brutale semble avoir laissé une empreinte indélébile sur la mythologie du chevalier noir, mais aussi à celui de Joaquin Phoenix et sa révolte pathétique contre un système qui le broyait lentement. Sauf que le personnage manque du charisme du premier et de la profondeur psychologique du second. Un héritage lourd à porter, là encore.


Le poids de l'héritage, c'est donc l'un des thèmes qui traverse le film,


un poids d'autant plus lourd lorsque se dessine une vision de Thomas Wayne moins parfaite que celle qu'en conserve Bruce.


Mais Matt Reeves veut aussi parler de la corruption, du mensonge, de l'injustice, de la révolte sociale qui couve face au poids toujours plus grand des inégalités, du danger des réseaux sociaux, le tout en mélangeant habilement film de super-héros, film noir et commentaire social. Des ambitions trop pesantes, qui desservent un film qui s'essouffle à mi-parcours et peine par moment à trouver une direction cohérente. En mettant l'accent sur le travail de détective du Batman, un aspect trop vite laissé de côté dans les autres adaptations centrées sur le personnage, Reeves invoque d'autres légendes du 7ème art, Seven et Blade Runner en tête. Sauf que son enquête se perd parfois dans les circonvolutions d'un scénario parfois brumeux, plutôt à la manière d'un Chinatown, pour le coup. L'histoire se met ainsi en pause brusquement le temps d'une quête annexe qui n'avance guère ni le spectateur, ni les personnages. À trop vouloir s'éparpiller, Reeves peine à maintenir la tension. Il avait là matière à réaliser trois films, en creusant un peu plus certains sujets et en choisissant un thème fort à explorer par volet. Un peu comme ce qu'avait réussi un autre réalisateur avant lui...

Hyunkel
6
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le 15 mars 2022

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Hyunkel

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