The Blackout
5.9
The Blackout

Film de Abel Ferrara (1997)

La révolution du cinéma est celle de capter le mouvement. De Méliès et sa fumée de cigarette, de Jean Vigo et son eau, tous deux ont su jouer à la perfection de la technique cinématographique. Abel Ferrara fait partit de ceux-là. En effet, le coquinou a bien compris que pour hypnotiser le spectateur, il fallait du déplacement. Et il use à mon plus grand bonheur, celui du mouvement charnel.


Dès le départ, nous sommes nappés par l'eau et des pensées philosophiques, sous fond de musique de film de cul. Si Abel Ferrara fait tant de polémique, c'est qu'il est connu pour être le cinéaste de l'illicite. Et dès l'introduction, nous sommes emportés par les vagues, dans un univers presque insalubre, malsain. Notre protagoniste, interprété par un surprenant Matthew Modine, s'envole dans sa voiture vers une certaine destination, et s'envole par la même occasion en prenant un peu coke pour la forme, histoire de planer comme un bon albatros de 8kg.


Notre 'héros' pèse dans le game du cinéma. Ferrara nous propose une façon de filmer étrange, presque style nouvelle vague, dont je n'ai jamais rien compris. C'est déconcertant mais cela nous permet de nous concentrer sur ce personnage en quête d'identité, qui boit comme un trou, et sniffe comme un grippeux. A en juger la moyenne presque catastrophique de l'oeuvre, beaucoup ont du être consternés par le sujet. Moi, j'ai été emporté par la tornade Abel. J'ai apprécié ce personnage qui dès l'arrivée, empoigne sa gonzesse pour lui bouffer la langue contre un mur. J'ai compatis devant cet homme qui demande à qu'on trinque avec lui dès le réveil. J'ai été ému par le pathétique du personnage qui tente de tripoter sa compagne alors qu'on voit bien que dans le regard de celle-ci, rien ne va plus.


Ce personnage on le découvre petit à petit, on assiste à sa déchéance suite à une rupture mémorable, dont seul lui ne se souvient plus de la cause, suite à son état déplorable. Cet homme qui se retrouve à sombrer et à fréquenter des endroits malsains où drogue et sexe sont monnaie courante.


Le rythme peut se révéler gênant, mais le cinéaste impose une ambiance presque divine entre putes, drogues et pornographie. Abel Ferrara nous propose une réelle réflexion presque digne d'un Dziga Vertov. A travers le personnage de Dennis Hopper, on pourrait se demander s'il est bon de filmer certains choses. Jusqu'où pouvons-nous aller en filmant des excès au niveau sexuel, de la drogue ou de l'alcool. Doit-on garder une certaine pudeur où au contraire le mettre en avant ?


"C'est pas du réel", que le film nous dit. Notre cinéaste va plus loin, en nous faisant réfléchir sur le cinéma en lui-même. Sur le fantasme du spectateur à travers notre personnage auquel certains auront du mal à s'identifier. Il n'y a cas voir la scène avec Annie, qui met une perruque recommandée par notre réalisateur douteux, qui rappelle l'ex du héros. Y a qu'à voir Matty qui devient fou, lorsqu'il découvre cette nouvelle femme. La drogue lui fait confondre fiction et réalité. Il ne voit pas la supercherie, et ne voit que sa ex-super chérie.


Cette séquence où Matty pète les plombs jusqu'au fameux Blackout, va rythmer le reste de l'oeuvre. Et c'est à partir de ceci, que la mer se calme, et nous laisser quelques moments de tristes répits, où l'ennui se fait ressentir. Mais le montage ainsi que les effets de Ferrara sont toujours surprenants et réussis, où fantasmes et réalités, se mêlent via des surimpressions excellentes. On se remémora cette scène, où le 'héros' va voir resurgir ses vieux démons à travers la boisson. Il plonge dans l'alcool et dans ses draps avec l'intention de retrouver celle qu'il a perdu et toujours aimé. Retrouver cette sensation à travers l'artificiel. On retrouve le sexe, élément omniprésent, dans la forme la plus bestiale, la plus excitante mais à la fois la plus triste.


Sur cette scène, on y confond la mer. Notre héros se fait prendre par la vague, et on devine qu'il ne reviendra jamais. Une scène modèle. Aussi bon dans le fond que la forme, j'ai été ébahi par cet homme qui a tout perdu, qui va chercher le blackout le plus totale en s'enfermant dans un tourbillon, pour vivre dans un paradis artificiel, bien loin de cet enfer réel.


A en juger sur son blackout ultime, je me dis qu'au fond, moi aussi je veux le même.

Alex-La-Biche
7
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le 20 déc. 2014

Critique lue 808 fois

5 j'aime

Alex La Biche

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