Séduit par un fait divers publié dans Vanity Fair intitulé « The Suspects Wore Louboutins » (Les suspects portaient des Louboutins), Sofia Coppola s’inspire dans The bling ring d’une histoire vraie concernant cinq adolescentes californiennes qui défraya la chronique entre 2008 et 2009 en dérobant plus de trois millions de dollars en bien dans les maisons de stars à Los Angeles. Elle adapte cet événement à sa sauce en optant pour ce ton à la fois fashion et candide qu’on lui connaît bien. Jusque là, rien de bien neuf ! On est en terrain connu et on espère juste que Sofia Coppola posera un regard critique sur cette jeunesse qu’elle adore filmer … Mais malheureusement, il ne faut guère plus d’une demi-heure pour se rendre compte qu’elle passe à coté de son sujet.


Sofia Coppola sait qu’elle a une façon de filmer mais n’a pas trop l’air de savoir ce qu’elle doit raconter. Ce qui faisait d’ailleurs le charme de ses premiers films commence à s’estomper car son regard à la fois tendre et naïf de la jeunesse américaine ne dépasse tout simplement pas l’exercice de style. Cette légèreté très primesautière et certes très communicative sent ici l’artifice à plein nez car sa caméra se contente juste de suivre les aventures de ces fêtardes cambrioleuses qui semblent tout a fait ordinaire dans leur occupation quotidienne.


Les actrices, point fort de The Bling ring, composent de parfaites petites adolescentes aussi sympathiques que superficielles, à l’image de leur discours et du visuel du film. Entre les vols et les pistes de danse, elles fument des joints, boivent de l’alcool, évoquent les potins de stars et se contemplent dans le miroir avec leur garde robe très vite renouvelée. La routine quoi !


Leur amitié avec Mark, un mignon jouvenceau très vite décomplexé par son physique quand il intègre la bande de la ravissante Amanda (premier grand rôle pour la très belle Katie Chang), reflète parfaitement les liens qui unissent chacun des protagonistes : s’il devient leur ami c’est surtout parce qu’il a accès à l’adresse des stars grâce à son père qui travaille dans la sécurité des maisons des peoples du tout Hollywood. Cet amitié aussi factice qu’utilitariste illustre plutôt bien la société de consommation et leur obsession de vouloir à tout prix ressembler à leurs stars préférées.


Leur petit univers idyllique est parfaitement magnifié par une photographie spectrale et lumineuse qui retranscrit plutôt bien le monde clos et féerique dans lequel les personnages évoluent. Elles vivent un rêve éveillé ou tout est possible, se prennent vraiment pour leurs idoles et ne se soucient pas de savoir ou est le bien et le mal dans leurs actes. Mark semble le seul au tout début du film à être choqué par la cleptomanie compulsive d’Amanda mais il l’acceptera finalement très vite quand il commence à goûter lui même aux plaisirs de la cambriole.


Mais Sofia Coppola n’interroge jamais les agissement de ses protagonistes. Si bien que le rythme du film s’articule toujours autour de séquences identiques qui finissent très vite par lasser : discussions entre filles + fêtes + shopping nocturne … et rebelotte. Ne se souciant pas de ce qui les pousse à agir de la sorte, The bling ring se contente d’aligner froidement et mécaniquement ces scènes les unes à la suites des autres, renvoyant le film à un docu-fiction mixé à un teenage-movie dont la thématique serait « pourquoi acheter quand on peut prendre ? ». Ce point de vue faussement ethnologique qui faisait tout l’attrait du film sur la papier n’apporte malheureusement aucune réflexion sur le sujet. Car The Bling ring ne soulève finalement aucune question et n’offre encore moins de réponse.


C’était d’ailleurs étrangement aussi le gros défaut de Spring Breakers de Harmony Korine sortit en mars dernier. Sur un sujet similaire et sans aucune pertinence, ces deux métrages ne font que survoler la mentalité de cette jeunesse américaine hédoniste dépourvue de toute morale, faisant du consumérisme et de la jouissance la règle d’or. Les deux cinéastes se contentent de récupérer des phénomènes sociologiques à des fins esthétiques et jamais, dans leur récit respectif, on ne les sent impliqués par les causes profondes d’un tel agissement.


Ils capitalisent ainsi tous les deux sur une imagerie séduisante et sur le charme de leurs actrices, ramenant la thématique du récit au plan secondaire voire à l’anecdotique. Dans la démarche artistique de Coppola et Korine, l’absence de repère de cette génération et la vacuité intellectuelle de leurs personnages ne servent qu’à ériger un imaginaire auteurisant et à travers leurs oeuvres, ils ne font que reproduire bêtement et simplement des miroirs dans lesquels ils se regardent briller.

Mathieu_Babhop
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le 19 août 2016

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