The Critic repose avant tout sur la performance excellente de Sir Ian McKellen, qui domine le film de bout en bout. Dans ce rôle de critique théâtral cynique, cruel et vieillissant, il déploie toute l’ambiguïté de son personnage avec une virtuosité qu’on attendait de lui, mais qui continue de surprendre par sa précision et sa capacité à suggérer la fragilité derrière la férocité. McKellen donne au film son ton acide, sa tension et sa mélancolie. Il incarne à merveille cette figure d’une époque décadente, où la méchanceté mondaine sert à masquer les blessures intimes et les peurs d’un monde en mutation.
Face à lui, Mark Strong impose une présence moins mise en lumière... mais cependant très précieuse. Sa rigueur, son autorité silencieuse et la densité qu’il confère à chaque scène renforcent le climat d’étouffement social et de menace politique que le film explore en filigrane. Une performance élégante et tendue, qui vient subtilement équilibrer le cabotinage maîtrisé de McKellen.
On saluera également l'attention évidente apportée à la photographie et à la reconstitution d’époque : les éclairages tamisés, les décors léchés et cette manière de filmer les intérieurs confinés participent pleinement à l’atmosphère de faux-semblants et de tensions latentes. En outre, The Critic déploie avec soin un Londres des années 30 où le théâtre, la presse et la politique se croisent dans une ambiance de faux-semblants et de menaces à peine voilées. Si le film s'inscrit avant tout comme un thriller mondain et un drame d’époque, il prend tout de même un relief particulier grâce à l’arrière-plan historique qu'il évoque discrètement et auquel j'ai été sensible : celui d’une Angleterre où les sympathies fascistes progressent parmi les élites culturelles et politiques, et où l’ordre moral se fissure sous le poids des ambitions personnelles... et des chantages.
Si l’intrigue policière reste assez convenue et certains personnages secondaires un peu sacrifiés, The Critic séduit par son élégance formelle, son contexte rarement traité au cinéma, et surtout par le plaisir manifeste de voir Ian McKellen s’emparer avec autant de gourmandise d’un rôle aussi venimeux. Rien que pour lui, le détour s’impose.