Île de Sainte-Hélène, début des années 1820. Un plan a soigneusement été mis au point pour sauver l’empereur Napoléon (Ian Holm) qui se morfond sur son rocher. Un matelot lui ressemblant étrangement (toujours Ian Holm) va prendre sa place, afin de permettre à l’empereur de regagner la France où il espère bien faire un retour en grande pompe. Seulement, son sosie prend goût à sa position d’empereur exilé, et ne veut plus révéler la supercherie. Quant à l’empereur, à Paris, il croise la route d’une veuve de soldat (Iben Hjejle) et marchande de fruit, et commence à goûter étrangement la vie de ces petites gens qui vivent de tout et de rien, au cœur de la capitale…


On a toujours ses raisons de craindre un film britannique sur l’empereur français qui laissa sa marque dans l’Histoire, les Anglais risquant d’en profiter pour égratigner l’image de la France à travers celle d’un empereur qui fut leur ennemi, et qui pour avoir été grand, ne fut pas toujours mesuré dans ses décisions et dans ses campagnes militaires (et c’est bien sûr une litote). Evidemment, il n’y a rien d’historique dans ce film, mais pourtant, le personnage de Napoléon y est croqué avec une certaine rigueur. On retrouve bien à travers l’interprétation de l’excellent Ian Holm notre empereur, avec son orgueil, mais aussi une certaine tendresse qui le rend plus humain, malgré la rudesse derrière laquelle il la camoufle.
Le réalisateur britannique Alan Taylor (futur réalisateur de quelques épisodes de Game of Thrones, ainsi que de Thor : le monde des ténèbres ou Terminator : Genisys) parvient à dresser un portrait qui parvient à faire cohabiter de manière brillante un vrai attachement à son personnage qui, avant d’être un empereur, était aussi un homme, et une critique, mais une critique intelligente, de l’orgueil qui anima l’empereur français toute sa vie durant. De ce point de vue, on a droit à quelques scènes très justes où l’empereur, persuadé que le peuple français n’attend que son retour, est confronté à plusieurs personnes qui lui expliquent que les Français préfèrent voir l’empereur mort, pour pouvoir bâtir une légende autour de sa figure mythique, que vivant, pour qu’ils reviennent séparer les hommes de leurs familles et les envoyer à l’abattoir… Napoléon mort, c’est la légende qui commence, Napoléon vivant, c’est la guerre qui revient : tout est dit, et ce sera la difficile tâche de l’empereur pendant ce film que de comprendre que son temps est passé, et qu’à la gloire dans son orgueil, il va devoir préférer le bonheur dans l’humilité et la petitesse. Superbe leçon délivrée de très belle manière par Alan Taylor, grâce à une mise en scène élégante qui sait se faire discrète, renforcée par la sublime musique de Rachel Portman, de même qu’un humour, parfois ténu, mais d’une légèreté comme seuls les Britanniques savent le faire, quand ils le veulent bien (je ne parle pas des Monthy Python, ou de Mister Bean…). On a donc droit à notre lot de scènes craquantes, particulièrement quand Napoléon, dont personne ne connaît l’identité, applique ses conseils stratégiques à la manière la plus rentable de vendre les fruits des petites gens qu’ils côtoient, par exemple.
Et grâce à l’interprétation vraiment époustouflante d’Ian Holm, cet homme ferme et obstiné qui put sembler dominer le monde pendant une certaine période, se révèle un être à la fois fragile et sensible, ce qui le rend bien plus attachant que le Napoléon qu’on trouve dans les livres d’histoire. C’est ce qui fait de ce film, malgré quelques longueurs, une merveille de légèreté, d’humour et de délicatesse, qui gagnerait à être bien plus connue.

Tonto
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le 3 avr. 2016

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