Le cauchemar de Depardieu, ou avoir faim et boire du soda

The End de Guillaume Nicloux n'a pas bonne presse, il s'est attiré l'ire de nombreux spectateurs qui est on ne peut plus compréhensible.


Malgré de nombreuses faiblesses il n'est pas si mauvais. Bien entendu, on pourrait parler des dialogues (ou plutôt des monologues tant les échanges semblent unilatéraux), de la bande-son qui est une véritable torture pour nos si fragiles oreilles, ou encore du scénario sans queue ni tête (si ce n'est la tête qui mord la queue).


Pourtant, au regard du projet de retranscrire un rêve en images, le film tient debout. On ressent cette ambiance onirique : l'incompréhension des événements, l'irruption de l'irréel dont on ne fait que très peu cas, la sensation de tourner en rond ou de progresser difficilement dans l'environnement onirique, etc.


On s'interroge du début à la fin, on cherche des réponses face aux événements illogiques qui s'enchaînent, sans en trouver. Peut-être n'y a-t-il pas de solution, et peut-être là n'est pas le but. Celui-ci est-il probablement d'immerger dans les sensations, de nous faire ressentir, éveillés, cette forme de l'imaginaire que nous expérimentons tous dans les recoins les plus intimes de notre psyché. En cela The End est réussi, et en cela il est très limité. Réussi dans son objectif, limité dans son système de représentation.


Heureusement c'est Gérard Depardieu qui est au centre du film. Y a pas à dire, c'est un "putain" d'acteur. Il a ce rare talent qui permet d'élever les œuvres les plus modestes. L'image très organique qu'il dégage sied tout à fait au caractère chimérique du film, et apparaît comme le seul élément solide parmi un décor et des êtres fantomatiques.
Tout au long du visionnage on énumère les faiblesses qui se présentent devant nous sans se cacher, qui presque nous font la révérence, et ne sont pas étrangers à l'urgence dans laquelle le projet a été porté. Bien que certaines scènes sont superficielles voire parfois ridicules dans leurs formes de clichés cinématographiques, on a le droit à des plans d'une certaine beauté mais sont fugitifs.


Pour ce qui est de la fin, elle est tragique. Tragique, bien sûr, dans son sens dramaturgique, mais surtout dans son sens artistique. Cette façon de résoudre l'intrigue (si tant est qu'il y en ait une), d'une part manque d'originalité, et d'autre part manque de cohérence dans la création. Elle fait s'effondrer le rêve, vecteur d'interrogations qui ont le mérite de "faire réfléchir" comme on peut le dire grossièrement, pour basculer dans un dénouement terre à terre et stérile. Mieux aurait valu cette "fausse fin" (cette fin avant la fin, s'entend...) qui ne manque pas de piquant et qui par ailleurs est superbement tournée.

Gwynplaine
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le 4 sept. 2018

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