Robert Rodriguez est surtout identifié à ses collaborations avec Tarantino au tournant des années 2000-2010, comme sa contribution au projet Grindhouse et Sin City. À une échelle plus restreinte, il est connu pour son artisanat badass et fiévreux, quelque peu décérébré et généralement d'un mauvais goût redoutable. Sorti juste après l'ultra-culte et ultra-beauf Une nuit en enfer, The Faculty est un intrus dans sa carrière, un film de commande où son rôle n'est plus que celui de superviseur – réalisateur et monteur. Son emprunte est dissipée, l'énergie reste, rendue claire par un matériau intelligent. Il n'aura pas la même chance lorsqu'il s'engagera sur un terrain plus généraliste et même familial avec les Spy Kids.


Le succès de cette entreprise doit beaucoup à son scénariste, Kévin Williamson, qui a commencé à ce poste avec les deux premiers Scream, avant de revenir sur plusieurs films d'horreur teen (tel Cursed) et également de créer la série Dawson. Comme dans le slasher quasi révolutionnaire de Craven, Williamson utilise sa connaissance experte du cinéma de genre (fantastique-horrifique) et de ses ressources. Cette fois il ré-emploie la SF et ses thèmes ; non en les visitant simplement, mais en leur donnant une nouvelle jeunesse, en faisant inlassablement écho aux grands noms dans son domaine.


Le livre L'Invasion des profanateurs (de Jack Finney, 1955), source de plusieurs adaptations, est d'ailleurs cité et utilisé par un personnage (celui de Clea DuVall) pour combattre l'épidémie d'extraterrestres. Descendant de The Thing et des exploits de Brian Yuzna (type Society) ou Stuart Gordon (From Beyond, Re-Animator), The Faculty est aussi un divertissement remarquable pour lui-même ; d'ailleurs il fait ressentir la joie des retrouvailles ou d'une reprise, aucunement celle d'un élan nostalgique. La décomplexion du bis goreux des eighties s'associe aux charmes un peu coupables de l'ère Buffy. Il faut imaginer les transfuges de Body Snatchers venir mettre le feu à la fois dans le teen-movie et dans le thriller sévère des années 1990.


Jamais le scénario n'ira en profondeur et d'ailleurs, il reste des angles morts ; une fois contaminés, les individus liquident leurs frustrations et cet aspect pourrait davantage être mis à profit. Mais la séance est déjà remplie sans cela, palpitante et plaisante, arrivant à être imprévisible et toujours tendue. Le film flirte constamment avec la caricature tout en gardant de l'aplomb, la mécanique est sérieuse, les caractères sont forts (un groupe de 'lycéens', éclaté au départ), l'esprit est potache et sarcastique. Ce divertissement réfléchi et fonceur rejoint l'élite du pop-corn movie, à condition d'accepter une part de kitsch (dialogues) et d'omettre cette conclusion à la Breakfast Club où le kékéland MTVesque vient poser son sceau.


https://zogarok.wordpress.com/2015/07/05/the-faculty/

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le 1 juil. 2015

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