No pain, no gain
The future is coming and you’re not in it : cette phrase induit une idée: de nouveaux héros espions apparaissent de jour en jour et complètent le diapason existants composé entre autres de 007, OSS et l'unique Johnny English.
Sur ce credo, The gray man se voit donc obligé de reprendre un certain nombre de codes et de gimmicks dont on se serait volontiers passés : classe indéniable, regard de braise, concours d’ego et une bande-son immersive.
Mais tout cela ne relève que d’un saupoudrage dont on ne gardera pas longtemps le souvenir en mémoire. Dès sa séquence d’ouverture qui joue la carte de la modernité technologique et lorgne presque vers la science-fiction, l'oeuvre file dans une douceur qui génère une surprenante poésie : assurément, Anthony Russo et Joe Russo vont soigner leur travail.
Car ce film, bien entendu tout à la gloire de la star qui le porte, ne va pas uniquement se concentrer sur la figure du virtuose devenu invincible. Là aussi les motifs sont éculés et les renvois au premier volet procèdent d’une écriture presque automatique. Depuis Drive : le storytelling autour des films de Ryan Gosling se fait bien en amont de l’intrigue, et dans les défis qu’il s’impose en termes de cascade ou de pilotage d’appareils d’exception. Et c’est bien ce que vient voir ici le public : des intrigues à plusieurs niveaux et des cascades.
C’est là la grande réussite du film que de s’articuler autour d’une mission (impossible, bien sûr) qu’on va longuement répéter et préparer. Gosling devient ici un véritable metteur en scène, un chorégraphe des appareils, projetant une modélisation à ses alliés pour leur expliquer toute la dramaturgie à venir : le temps, les mouvements, les enjeux. Cette unicité, cette simplicité qui construit graduellement tension et jouissance de l’image est devenu un bien rarissime dans le blockbuster, et fonctionne ici à plein régime. Le ballet des explosions offre un spectacle grandiose, et n’oublie pas de faire la part belle au son par une partition de musique soignée.
Le nouvel espion survitaminé est né : L'agent Six n’est finalement pas seulement lié au cynisme mercantile : c’est celle du véritable spectacle projeté sur écran, qui parvient à nous faire rester, face à lui, d’éternels gamins.