D'une beauté insolente, cette nouvelle adaptation de l'épique poème narrant les mésaventures de Sir Gauvain aux prises avec la tentation nous guide vers un voyage multisensoriel bouleversant, imparfait sur de très légers détails mais revigorant, confirmant qu'il existe encore de belles histoires à raconter. De l'originale, David Lowery en tire la substantifique moelle, refaçonnant le périple à sa manière, rajoutant des éléments tout en en modifiant d'autres mais propose en définitive une ode merveilleuse au courage, à l’honnêteté, à l'humanisme le plus obscur.
Visuellement époustouflant, parfois même inutilement grandiose, The Green Knight est avant tout une peinture filmique, un travail d'orfèvre où chaque seconde de chaque plan a été pensée, cadrée et retouchée à la perfection. Qu'il incorpore des géantes vagabondant dans des plaines brumeuses, un renard échappé de Lars von Trier ou divers fantômes, Lowery apporte le réalisme nécessaire à ces touches oniriques transpirant le qualitatif, la prouesse, l'uniformité. On tutoie Kurosawa, Lean, Hawks.
Un défi de mauvaise augure nappé d'une couleur pestilentielle, une plongée marécageuse devenant soudainement carmine, un visage se cachant honteusement dans la pénombre pour s'effacer dans un somptueux contre-jour, un halo de lumière progressivement masqué de sa meurtrière pour laisser apparaître un être déchu... La balade est sans appel, magnifiée par l'hallucinant travail du directeur photo Andrew Droz Palermo.
Il y a un ou deux CGI imparfaits, quelques coupes saugrenues perpétrées sur la table de montage, une direction musicale un brin trop sobre. Certes. Mais il y a un casting sanctifié, une vraie mise en scène qui ne se contente jamais d'être contemplative, il y a une histoire, un but, une destinée, une fantastique parabole et une parabole fantastique. Sous ses apparences de film facile, aguicheur de par ses filtres et son esthétique, The Green Knight reste une puissante œuvre de cinéma, aussi labyrinthique que limpide, aussi dure que poétique, aussi belle que monstrueuse. "Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée."