Un drôle de western que nous offre là Tommy Lee Jones. On peut en fait à peine parler de western, tant le scenario ne rentre dans aucun de ses sous-genres.
Ecrasées par la pauvreté, la mort (décès d'enfants en bas âge), la bestialité de leurs époux (viol domestique à répétition), 3 femmes de la "Frontier" au Nebraska, femmes de "homesteaders" - nouveaux propriétaires fermiers- , deviennent littéralement folles et doivent être ramenées dans leur famille, dans l'Iowa. Mary Bee Cuddy, une trentenaire célibataire , se propose de les raccompagner dans ce voyage.
Mary Bee est une femme forte et indépendante dirait-on aujourd'hui, autoritaire et rude disait-on au XIXe siècle. Elle est prospère , possède des terres de plus en plus nombreuses, du bétail, des économies. Mais elle n'a pas de mari, et ce n'est tout bonnement pas envisageable dans l'Amérique de cette époque. Elle demande un fermier en mariage, mais celui-ci préfère les femmes soumises restées à l'Est.
Mary Bee va donc accompagner ces femmes, suite à un tirage au sort défavorable auquel elle ne devait déjà pas participer à la base, en tant que femmes, et contre lequel aucun des hommes présents n'a même pas fait mine de protester, révérend y compris.
La veulerie des hommes dans ce village est bien mise en scène par TLJ dans une séquence de tirage au sort doucereuse, pleine de componction, bénie de Dieu même, car se déroulant sous son toit...
Mary Bee est munie par la communauté de 2 mules et d'un chariot, et de 3 passagères dont la folie est assez vilainement caricaturée par TLJ, doit-on avouer : cris bestiaux, figures échevelées, etc. Par contre, en peu, voire pas du tout de mots, il réussit à dresser magistralement les atrocités quotidiennes que vivent ces femmes, avec de petites vignettes, une image ou deux d'une violence assez inouïe, mais explicite.
Pour l'aider dans sa tâche, Mary Bee s'adjoint finalement les services de George Briggs, un SDF des frontières qu'elle sauve d'une mort certaine : accusé d'avoir occupé illégalement la maison d'un autre parti chercher une femme, à l'Est donc, George est promis à une pendaison à cheval (veulerie des hommes du village, incapables de le pendre eux-mêmes, acte II.)
Bientôt, notre western s'apparente à un road-movie, même si les couleurs mordorées et brunes dominant le film nous ramènent vers des scènes fordiennes de Monument Valley. De même la présence d'Indiens, bien qu'elle soit très furtive et pas très bien exploitée. Il n'arrive pas grand chose à notre équipage, mais l'ambiance qui est installée est très lunaire, vaguement inquiétante, suffisamment mystérieuse pour nous intriguer. TLJ est tout à fait dans son élément dans ce rôle de bourru qui se révèle un peu plus subtil qu'il n'en donne l'air. De plus, il prend le parti d'apporter une dose de bouffonnerie pour aérer son film , sans trop le changer de trajectoire. Hilary Swank campe admirablement un personnage fort, dont l'obsession liée au mariage est aussi une sortie de folie, qui la fait agir de manière anachronique par rapport à l'époque, et qui rend le film intéressant. tous les autres rôles sont assez embryonnaires, mais chaque cameo est utilisé de manière judicieuse , des fois dans un contre-emploi déroutant (James spader, Meryl streep, etc)
Malgré une expérience pas si importante, c'est seulement son deuxième film après 3 enterrements, TLJ maîtrise les grands espaces et The homesman contient de bien belles images.
Une des scènes les plus marquantes du film est une scène de sexe à la lueur d'un feu de bois, axée sur les regards des "protagonistes" et la douleur qui semble émaner de leurs êtres. Les autres membres de l'équipage ne sont pas en reste, l'ensemble formant un tableau très graphique de pure hallucination, peut être même au delà des intentions du réalisateur.
Ce film raconte une histoire finalement simple, et il est réussi, car d'une part, on peut facilement faire le voyage avec Mary Bee et George, ainsi que leurs trois compagnes de route : ils sont tous un peu fous, d'une folie qui s'apparente davantage à un refuge, une échappatoire au grand malheur qui les frappe, une folie qui donne envie de tous les protéger, les prendre dans nos bras. D'autre part, TLJ a pris des chemins de traverse et originaux qui tiennent le spectateur en haleine de bout en bout.