L’important, c’est l’amour

Savoir que The Host représente le plus gros succès sud-coréen ; leur Bienvenue chez les Ch'tis à eux, avec 13 millions d’entrées locales ; me réconforte à deux titres :
- Le cinéma coréen se porte bien.
- Le monde n’est pas encore plat et la culture uniformisée. Confronté à un imaginaire allochtone, je conserve de sa vision une agréable et rare sensation d’étrangeté.


Bien que « vendu » comme un film de monstre, il décevra les amateurs de mystérieuses bêtes. Grosse bestiole effectivement il y a : le croisement d’un maxi triton carnivore avec le Xénomorphe d’Alien, sévit sur les rives du Han. Hélas, elle sort de l’eau dès la quinzième minute et son comportement ne diffère guère de celui d’un gros chat.


The Host joue des codes de la bouffonnerie. Séoul est en état de siège. Les autorités ; armée, police, municipalité, médias, santé ; rivalisent d’incompétence, lâcheté et corruption. L’ampleur de la crise est telle, que l’armée américaine s’autorise à intervenir. Elle ordonne l’épandage de l*’Agent orange*, qui éradiquera toute vie organique sur dix kilomètres de rayon, sans pour autant évacuer la population !


La séquence d’ouverture présentait un savant fou balançant dans le fleuve ses stocks de formol. L’acte est certes incivique, mais semble anodin face à une telle mutation. Renseignements pris, il évoquait un scandale qui avait vu un sous-traitant de l’US Army agir de la sorte, suscitant l’ire de la population.


Film de monstre, bouffonnerie, satire politique, The Host est tout cela, mais plus encore une comédie sociale centrée sur la famille Park : Hee-bong le grand-père, propriétaire d’un snack sur les rives du fleuve, et ses trois enfants. Gang-du, grand benêt immature élevant seul la jeune Hyun-seo. Nam-il, diplômé alcoolique et colérique incapable de trouver un emploi. Nam-joo, championne de tir à l'arc au psychisme fragile. Hyun-seo est l’une des premières victimes de la bête. Or, elle parvient à donner signe de vie. Obnubilée par un improbable virus, la police refuse d’en tenir compte. Le grand-père réunit ses enfants et les lance à la rescousse de l’adolescente. Ils oublieront blessures et rancunes pour faire front.


Deux mots sur la forme. Bong Joon-ho privilégie les plans serrés dans le restaurant, les hôpitaux et les égouts. La ville et le fleuve sont aussi crasseux et pollués que les cloaques souterrains. De toute cette laideur, physique et morale, émergent néanmoins d’admirables scènes : le repas en silence ou le courage d’Hyun-seo s’élançant vers une issue possible.


Plus qu’un nouveau The thing, The Host évoque La Famille Tenebaum et les stupéfiantes fratries issues de l’imagination fertile de Wes Anderson. Se jouant des forces armées, les Park, enfin solidaires, traqueront, acculeront et combattront la Bête. Comme quoi, l’essentiel, qu’il soit paternel, filial ou fraternel, c’est l’amour.


Joyeux Noël.

Créée

le 24 déc. 2016

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Step de Boisse

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