Le cinéaste Shôgorô Nishimura a oeuvré énormément dans les pinku eiga, les films érotiques soft japonais, et ce durant les années 70 et 80. On lui doit notamment, parmi une filmographie pléthorique, La femme aux seins percés ou plusieurs opus des Flower and Snake, série de films à l'ambiance SM.

Pour ce The House of the Beasts, il s'agit d'une belle rareté que nous a proposé le Cinéma Nova, à Bruxelles, dans le cadre d'une séance tardive du festival Offscreen, édition 2024. Ce film est produit par le Japon, mais tourné en Suède, avec un casting d'acteurs intégralement suédois, et il n'avait plus été projeté en dehors du Japon depuis 1973 ! Il est par ailleurs prévu que l'éditeur suédois Klubb Super 8 sorte ce film au format Blu-ray dans un coffret regroupant six co-productions suédo-japonaises de la même époque. Ce coffret comportera des sous-titres en anglais, mais la date de sortie n'a pas encore été confirmée par cet éditeur.

L'histoire est celle de Ulf, Per et Gunnar, trois malfrats fraîchement évadés de prison qui trouvent refuge dans une maison cossue située en bord de mer. La famille qui y habite est prise en otage par les trois lascars, qui vont profiter de leur situation de pouvoir. Ils vont commencer par violer la bonne au service de la maisonnée. Mais les membres de cette famille vont s'avérer bien moins innocents qu'ils n'en ont l'air a priori...

Ce film contient beaucoup de scènes de sexe, avec les parties génitales masquées par des caches colorés gigantesques, comme souvent dans les pinku eiga de cette époque. Des relations ambiguës se créent au fur et à mesure de l'intrigue entre les trois larrons et la famille dont ils envahissent le foyer. Quasiment toute la famille se révèle en fait totalement dépravée depuis bien avant leur arrivée. L'un des bandits tombe à un moment sur la belle-mère en train de coucher avec le fils. Via les yeux de la fille, on découvre que le père se tape la bonne depuis un bon moment. Quand cette dernière est violée par Gunnar, le plus costaud des trois évadés, elle devient rapidement consentante, cliché hyper répandu dans les films d'exploitation des années 70. Seule Charlotte, la fille, semble avoir davantage la tête sur les épaules et être en désaccord avec la perversion ambiante de sa propre famille et des criminels. Elle est interprétée par Inger Sundh, aperçue notamment dans le film érotique Flossie de Mac Ahlberg.

Une relation amoureuse va d'ailleurs survenir entre Charlotte et Per, le plus jeune et le plus innocent des malfrats. Cela déclenchera la jalousie et la rage de Ulf, le chef de la bande, car Per et Ulf étaient amants en prison. Fait surprenant et rare pour un film japonais d'exploitation : deux ou trois séquences contiennent des relations homosexuelles masculines explicites, entre Per et Ulf. Per ne voit pas de problèmes à aimer à la fois les hommes et les femmes, ce que ne comprend pas Ulf, qui tient à plusieurs reprises des propos misogynes. Une séquence sort du lot en particulier : celle où Ulf sodomise Per tout en pénétrant en même temps la bonne avec le canon d'un fusil, laquelle se tord de plaisir... La salle du Nova était hilare, et certains ont même applaudi !

Les évadés ont également planqué une grosse somme d'argent dans la région, pas si loin de la demeure cossue, et ils parviennent à récupérer ce magot. Fait drôle, vu les liens étranges et ambigus qui se sont tissés entre « agresseurs » et « agressés », la famille va parvenir à convaincre ses oppresseurs de leur donner une partie des sous qu'ils ont volés, car il s'avère que ces soi-disant riches bourgeois sont ruinés depuis peu. Ils se sont isolés du reste du monde depuis un bon moment, n'ont ainsi plus de revenus, et qui plus est, ont dépensé ce qui leur restait à tort et à travers. Un passage surréaliste les montre revenir avec des sachets de courses, achetés avec l'argent des voleurs. Pratique, quand la nourriture commençait justement à manquer ! Que ferait cette maisonnée de joyeux dépravés, finalement, sans l'intervention des repris de justice ?

Ce film de home invasion, finalement, rappelle un peu Fight For Your Life (1977, Robert A. Endelson) (Otages en sursis, en VF), film à l'intrigue un peu similaire mais davantage basé sur les tensions raciales entre les personnages. On y voyait un Blanc, un Latino et un Asiatique en cavale prendre en otage une famille de Noirs. (Oui, ça démarre comme une mauvaise blague...). La violence y était omniprésente, jusqu'à des sommets d'horreur. Ici, avec The House of the Beasts, on est plutôt dans de la sexploitation, et la violence y est bien moindre, mais pas inexistante.

Pour couronner tout ce climat sexuel trouble, un détail, que j'ai trouvé personnellement très drôle, clôture ce film : le mot « fin », comme dans tout film, apparaît, et bien évidemment en suédois. Et dans cette langue, cela s'écrit « Slut ». Ce qui veut dire aussi « Salope », mais en anglais. Curieux hasard ! J'étais loin d'être le seul à m'esclaffer dans la salle lorsque ce mot est apparu sur l'écran, vu tout ce qui venait d'être montré...

JJC
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le 15 sept. 2025

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