Jusqu'ici habitué aux cadres urbains, James Gray choisit cette fois de nous transporter au cœur de la forêt amazonienne pour nous conter à sa manière les aventures du célèbre explorateur Percival Fawcett. Une quête au bout du monde, empreinte de mysticisme.


Fawcett est un homme de l'armée, un officier reconnu, aux ambitions affichées, guidé par la volonté de réussir et de dépasser les autres. La première scène, montrant une partie de chasse remportée par Percy Fawcett, allant plus loin que ses camarades et n'hésitant pas à prendre des chemins dissimulés et risqués pour prendre l'avantage, illustre déjà cette rage de vaincre mais, aussi, la capacité de l'homme à se jouer des risques. Cependant, lui qui veut briller en société et être respecté par ses pairs, se retrouve entravé par la mauvaise réputation de son père, qu'il traine comme un fardeau qui ne lui vaut que méprise et rejet. Et lorsqu'on lui propose de partir en expédition en Amazonie pour établir les frontières entre la Bolivie et le Brésil, Fawcett est assez dubitatif et estime que cette mission n'est pas pour lui.


Mais, en bon soldat, il accepte son sort et prend ce nouveau défi comme une occasion de prouver sa valeur. Du confort de vie de l'aristocratie britannique, le voici confronté à la rudesse et aux périls des contrées encore sauvages d'Amérique du Sud. Là-bas, la nature règne en maîtresse, dominant les Hommes. Certains vivent soumis à ses lois, pendant que d'autres y construisent des opéras de fortune, laissant des mélodies d'un autre monde résonner dans ces étendues vierges, pour constituer un étrange tableau illustrant déjà la particularité de ce monde à découvrir. La descente du fleuve sera pleine de dangers, entre maladies et attaques de tribus locales, muant l'Amazone en un Styx qui conduit ceux qui l'empruntent droit vers un Enfer vert sans retour possible. Cependant, cette traversée de l'Enfer permet finalement l'accession à un paradis insoupçonné, la promesse d'une révélation et d'un accomplissement enfin atteint.


La nouvelle obsession de Fawcett ne fait que cacher sa véritable motivation : celle de s'accomplir en tant qu'homme, de porter et de recréer l'héritage de sa famille, et de transmettre à son tour. Des problématiques déjà traitées par James Gray dans le passé, et qui prennent ici une dimension inédite, dans cet écrin verdoyant aussi magique que cruel. The Lost City of Z donne la sensation de quasiment toucher l'intouchable, de voir l'invisible, de percevoir, l'espace d'un instant, l'origine de tout dans des contrées vierges où sommeille un savoir ancien, remettant en perspective toute l'histoire de l'humanité. En faisant appel à Darius Khondji pour la photographie de son film, James Gray lui permet de trouver une dimension presque fantastique, avec ces teintes vertes et jaunes très prononcées, qui embellissent ces tableaux de la forêt amazonienne, tout en faisant écho à elle lorsque l'action s'en éloigne. La bande originale de Christopher Spelman, elle aussi sublime, ajoute une autre touche de magie au film, l'accompagnant de ses mélodies lointaines et cristallines.


Si The Lost City of Z nous transporte dans une aventure au bout du monde, ce n'est que pour mieux nous ramener à l'essentiel et à l'intime. La transmission et l'héritage passent par le sacrifice puis l'accomplissement et, enfin, la reconnaissance, jusqu'à une ultime transcendance qui pourrait être tragique, mais qui devient, ici, une consécration, l'atteinte du sublime, hors du temps et des frontières de notre monde. The Lost City of Z et Ad Astra, le film suivant de James Gray, se répondent très bien : dans le premier, on cherchait nos origines pour notre futur, et dans le second on cherche notre futur pour retrouver nos origines, pour une révélation finale, malgré les échecs qu'il a fallu essuyer pour y parvenir. The Lost City of Z est une épopée mystique aux confins du monde, conclue par vingt dernières minutes d'une beauté remarquable. Un voyage inoubliable.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

Créée

le 27 mars 2017

Critique lue 325 fois

4 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 325 fois

4

D'autres avis sur The Lost City of Z

The Lost City of Z
Vincent-Ruozzi
7

Uncharted

Avec six films à son actif en vingt-deux ans de carrière, James Gray est un réalisateur qui sait se faire désirer. Dans The Lost City of Z, Gray abandonne la jungle New-Yorkaise qu’il connaît si bien...

le 19 mars 2017

102 j'aime

12

The Lost City of Z
Antoine3
5

Ils avaient de belles fesses ces indiens

Je sors à l'intant du cinéma, que dire mis à part que c'était fort long pour ce que c'était. Je m'attendais à une belle aventure dans la jungle, à des découvertes d'anciennes civilisations, à trouver...

le 15 mars 2017

83 j'aime

7

The Lost City of Z
boulingrin87
3

L'enfer verdâtre

La jungle, c’est cool. James Gray, c’est cool. Les deux ensemble, ça ne peut être que génial. Voilà ce qui m’a fait entrer dans la salle, tout assuré que j’étais de me prendre la claque réglementaire...

le 17 mars 2017

80 j'aime

15

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5