A l'heure où les peuples élèvent de nouveau leurs murs et boucliers contre l'immigré et le cosmopolitisme, James Gray vient de déposer une pépite d'humanité, une merveille d'ouverture. The Lost City of Z dresse le portrait d'un homme pas comme les autres, Percy Fawcett. Major de l'armée et cavalier émérite, notre moustachu cravache pourtant à upgrader au sein d'une aristocratie militaire rigide, la faute au passé sulfureux de daddy Fawcett. A la fin des 1890's l'échiquier mondial est bouillonnant. L'Amérique latine est sur le point de s'embraser pour des questions de business caoutchouteuses et la faute à des frontières non figées entre la Bolivie et le Brésil. C'est alors qu'intervient notre Perceval le British comme arbitre du match, pour convenir de frontières et tenter de redorer le blason familial. Alors je ne sais pas vous, mais le pitch ne m'avait pas emballé plus que ça, sans doute du au fait que je ne connaissais pas grand chose de cette frange de l'histoire ni des exploits de cet explorateur. C'est bien James Gray et son passif filmique qui m'ont poussé à la découverte. Et quelle découverte...


Bien plus habitué aux ambiances nocturnes et urbaines, Gray s'enfonce dans l'humide forêt amazonienne pour y explorer 50 nuances de...l'esprit humain. Percy Fawcett est un personnage formidable, encore plus avec notre regard "omniscient" du 21ème siecle. Je conseille de ne pas se renseigner sur le personnage avant de voir le film pour mesurer toute la singularité de ce grand explorateur.


Partant du principe socratique "tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien", notre blondinet de moustachu brave l'interdit en clamant qu'une civilisation plus ancienne encore que celles européennes existe sur le continent américain. Doté d'une volonté de fer et d'une ambition démesurée, Percy Fawcett fascine. Mais jusqu'où ira-t-il dans ses convictions après maintes explorations non fructueuses en terres indiennes ? Et puis quel rigolo, en 2017, on le saurait quand même si une cité d'or avait vraiment existé dans ce coin paumé. L'explorateur en carton quoi ! Sauf que... Et si...? Sauf que son parcours final reste encore une énigme totale. Percy Fawcett était ce grand homme capable de remise en question hors du commun, persuadé que l'on avait grandement à apprendre des peuples indigènes, qu'il n'y avait pas de supériorité de peuples vis-à-vis d'autres. Alors que les Européens allaient se foutre sur la gueule d'une seconde à l'autre à l'aube du 20ème siècle, Fawcett raisonnait avec une avance millénaire sur la notion d'humanité.


Et pourtant, ce beau gosse au brushing impeccable pouvait aussi être un gros con, ou du moins dans les standards de pensée de l'époque sur d'autres sujets. Comme sur le rôle de la femme. Et là Gray fait fort, apposant des nuances plus sombres à son portrait (tu l'as ?). Mrs Fawcett souhaiterait bien mouiller le maillot au Brésil aussi. Mister Fawcett s'y oppose, dans une scène digne d'"OSS 117, Rio ne répond plus", puisqu'il faudra "porter des charges lourdes, déjà". Et puis la place de la femme, elle est au foyer d'abord, auprès des enfants comme depuis la nuit des temps. Si ouvert et si humaniste, Perceval n'en était pas moins réticent à briser le plafond de verre. Et comme derrière chaque grand homme, il y a une femme, c'est déjà un beau rôle que d'être femme "de".


Il est difficile de parler du film sans trop en dire, je me rends compte. Mais j'ai envie. So, spoilers. Le parallèle avec Apocalypse Now crève les yeux. Bien loin d'atteindre le charisme d'un Marlon Brando, l'épopée sonne comme le voyage initial du Colonel Kurtz à la frontière vietnamo-cambodgienne. Fasciné par les peuples qu'il rencontre tour à tour, Fawcett aurait peut-être finalement élu domicile en Amazonie, dans une dernière scène semant le doute, entre le rite religieux et la mise à mort. Si James gray a su parfaitement transmettre le mystère entourant la fin de vie de son personnage, il aurait pu encore appuyer davantage sur les moments de vie de Fawcett parmi les differentes tribus rencontrées, leur accueil plus ou moins chaleureux. Mais c'est vraiment pour être pointilleux car la fin est superbe à mes yeux et aurait versé dans le documentaire de cette manière.


Inutile de préciser que les acteurs sont formidables, tous. De Robert Pattison le taiseux à Sienna Miller la suffragette en puissance. De Charlie Hunnam qui plante une moustache royale à l'apparition de Franco Nero, Da real MVP Django.


Un casting aux petits oignons, un explorateur fascinant, un rythme haletant, une histoire pleine de leçons, un film grandiose.

WelshOrson
9
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le 24 mars 2017

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Loïc A.

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