Nous rencontrons des problèmes techniques sur la partie musique du site. Nous faisons de notre possible pour corriger le souci au plus vite.

The Neon Demon ou "Comment faire un trailer qui trompe sur le contenu en deux heures de film ?"


Introduction : je raconte ma vie.com



J'ai eu envie de voir The Neon Demon le jour où j'ai démarré la bande annonce. Ca ne m'arrive pratiquement jamais, surtout que j'évite les bande-annonces comme la peste. Mais là, bon dieu, elle claque ! (d'ailleurs voici le lien vers cette dernière)


Et quand vous avez vu un trailer comme ça, vous attendez de ce film plusieurs choses: de la tension, du fantastique et de l'horreur. Avec, si possible, une critique du monde de la mode.

La désillusion. Morale : ne plus regarder de trailers.



Sur ces quatre choses... The Neon Demon n'a rien, ou trop subtilement implanté pour être réellement compté en tant que tel.


Et en fait, The Neon Demon n'a pas grand chose de toutes façons. Pour rappel, il est classé dans la catégorie Thriller / Horreur. Et aucune scène ne m'a fait plus frissonner qu'une brise de vent en plein été. (pourtant, je pleure très rapidement de peur devant les films d'horreur, même les mauvais.)


C'était parti d'une bonne intention. Parler du domaine de la mode, en faire une cage à lions dans laquelle on lance la petite brebis (qui n'en est en fait pas vraiment une, à voir le trailer ?).


Mais ce qui a manqué à The Neon Demon, c'est un fil rouge. Une histoire. Un scénario.


Ce que je lui reproche, notamment, à ce niveau là, c'est d'avoir une évolution inexistante: par exemple, après un événement à peine marquant, les personnages changent du tout au tout.


(spoiler de niveau 5 sous la balise: si vous comptez voir ce film, ne regardez pas ce qui est écrit dessous !)



  • Jessie qui, sans raison autre que "la célébrité lui est montée à la
    tête" (et qui ne sera pas plus développée que ça en dehors de la
    scène au restaurant), devient hostile et condescendante. On y perd énormément de l'empathie qu'on avait pour le personnage et le personnage se perd lui-même, pour finalement qu'on devienne hermétique au film, ou pas impliqué sentimentalement.

  • Les deux mannequins qu'on ne voit qu'un temps très réduit à l'écran
    qui deviennent des tueuses et cannibales sans justification vraisemblable et sans que leur personnage ne l'introduise (si elles avaient été psychopathes, par exemple, ça se serait mieux passé).

  • La copine, qui après s'être pris un vent violent de la part de Jessie, se voudra "cerveau de l'opération", changeant de nouveau du tout au tout, dans le même schéma que Jessie.


Les scènes, elles, n'ont pas plus d'effort sur le fil qui est censé les relier et perdent donc, de cette manière, un climax pourtant essentiel dans un film de cette catégorie. La seule scène qui peut faire office de climax est finalement attendue et peu surprenante. C'est presque une délivrance, on se prépare à se lever ou à changer d'onglet lorsque... On se rend compte qu'il y a dix minutes de plus qui retardent la fin du film. Dix minutes, je l'avouerai, finalement peu utiles, au dénouement grotesque (mais j'y reviendrai plus tard).


Au final, c'est une succession de scènes, de personnages moins importants les uns que les autres (mention spéciale à Keanu Reeves qui n'incarne... personne ou presque), de dialogues peu travaillés, qui n'ont que des rapports éloignés avec les précédents... jusqu'à même se demander, au bout du premier dialogue "long" : "c'est leur premier film ?" Et surtout: "il va se passer quelque chose ?"


Et jusqu'à il y a quelques minutes, je ne savais pas que le réalisateur avait aussi réalisé tous les Pusher, Inside Job, Bleeder, Drive, Only God Forgives, Bronson et Le Guerrier Silencieux. En plus d'avoir scénarisé pas mal d'entre eux. Donc pas d'excuse, malheureusement.


Il faut savoir que les films lents, je connais. Et plus que ça, je supporte et je peux apprécier. Je sais de quoi je parle, j'ai regardé du Lars Von Trier très régulièrement, d'accord !


Mais The Neon Demon n'est pas lent. Il est "inutile". Vide. L'histoire est fade. Le trailer est, malheureusement, plus intéressant à regarder. Et c'est dommage, parce qu'il était prometteur, mais, finalement, très amateur.


Ce que je veux dire, c'est qu'il ne s'y passera rien. Ne vous attendez pas à regarder une histoire, vous regarderez un écran. Vous y verrez des gens parler, mais que vous écoutez ou non ce qu'ils disent n'a pas d'importance, tant les scènes se suffisent trop souvent à elles-même.


De plus, tous les mystères que vous allez rencontrer dans le film n'auront pas de réponse. Attention ! Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose. Je suis le premier à dire qu'un film qui donne toutes les réponses n'est pas un bon film. Mais dans ce cas particulier, tout ce qui titille un minimum votre curiosité n'aura ni aboutissement, ni dénouement. Il n'y a strictement aucune réponse.


Un exemple parfait: le puma dans la chambre. Un puma arrive dans la chambre de Jessie à un moment donné.


(spoiler de niveau 1 sous la balise: ce n'est pas très important, mais si vous ne souhaitez pas être influencé dans votre visionnage, ne lisez pas la balise !)


On ne saura jamais comment il est entré dans celle-ci. Il deviendra plus tard une anecdote dans l'histoire (et un bout du trailer, mais là encore j'y reviendrai plus tard). Les dégâts causés à la chambre donneront sur une scène presque injustifiée où l'ami de Jessie payera les 140$ demandés par le propriétaire et c'est tout. Il n'y a RIEN de plus à savoir sur le puma et ils n'en reparleront JAMAIS.


On pourrait penser que la scène se veut donc poétique, comme une sorte d'anomalie dans une chambre blanche. Une imperfection sur un visage parfait.


Sauf qu'ils en font une anecdote, au lieu de s'arrêter à ça, ils continuent avec comme si on essayait d'essorer un chiffon sec. Quand, dans Collateral, l'on voit un coyote traverser la route, c'est ce que j'appelle une scène poétique. Il n'y est plus jamais fait référence dans le film, point.


Ca n'est pas la peine de parler d'un coyote qui s'est retrouvé en pleine ville pendant cinq minutes de film s'il n'aura aucune incidence dessus, et SURTOUT si la scène se veut métaphore. C'est ce que Collateral a compris, c'est ce que The Neon Demon n'a pas fait. (allez voir Collateral.)


Et tout le long, on se retrouve avec des anecdotes similaires, qui continuent d'alimenter un quelque chose qui ne nous atteint pas.

Fin du film : savoir s'arrêter avant que l'on nous le demande.



La fin de The Neon Demon se constitue en deux parties: une première qui suit les événements qui sont arrivés tout le long du film, une seconde qui arrive après une ellipse de quelques heures à quelques jours environ.


Quand on est arrivés à la fin de la première partie, je commençais à remballer mes affaires en pensant sérieusement que c'était terminé. Mais c'était sans compter la seconde partie. Et c'est là que ça blesse: quand le public sent que c'est terminé, c'est qu'il est inutile d'en rajouter. Peut-être que cette seconde partie aurait été plus appropriée en scènes post-crédits, qui sait ?


(spoiler de niveau 5 sous la balise: si vous comptez voir ce film, ne regardez pas ce qui est écrit dessous !)


Je me serais arrêté, personnellement, à ce dialogue:
- T'as déjà rencontré quelqu'un qui te volait ton travail ?
- Oui.
- Et du coup, t'as fait quoi avec ?
- Je l'ai mangée.


Toujours est-il que la toute dernière scène était grotesque, à tel point que j'ai dû me retenir de rire dans le cinéma - et je suis loin d'être le genre de types à être condescendant au point de me marrer devant un film qui, je crois, ne se veut pas drôle. Le manque de profondeur des personnages, ainsi que d'évolution, évoqué plus tôt, met un handicap à cette fin et la rend, comme énormément de scènes, de dialogues et de gestes: injustifiée.


Ci-dessous, un spoil tout autant injustifié de la dernière scène dont je parle, pour en montrer le ridicule.


(spoiler de niveau 5 sous la balise: si vous comptez voir ce film, ne regardez pas ce qui est écrit dessous !)


Cette dernière scène constitue en un shooting des deux mannequins qui ont assassiné Jessie. L'une d'elles ne se sent pas bien et semble vouloir vomir. Elle vomit un oeil dans une pièce isolée, alors que sa collègue la regarde faire. Elle s'exclame: "Je veux la faire sortir de moi, je veux la faire sortir de moi !", attrape un objet tranchant et s'ouvre le ventre avant de mourir. Sa collègue la regarde longtemps avec un air perplexe, avale l'oeil et s'en va.


Et c'est la fin de The Neon Demon, un long film avec des scènes courtes qui ne dialoguent pas, qui ne se font pas références, qui ne sont ni frères, ni soeurs et qui pourtant se veulent être un film critique du domaine de la mode. Mais cette critique sera tellement peu approfondie, faible, qu'elle passera inaperçue. Dommage.

Tout film a des qualités. Sauf The Room.



Cela dit, je le recommande, mais pas au cinéma. Je lui ai aussi mis 5/10. "Ben alors, t'es malade ? il se passe quoi, pourquoi t'as mis 5/10 à un film que t'as visiblement pas aimé ?"


Parce que bourdel, ce film, il est magnifique. C'est bien la seule chose sur laquelle le trailer ne nous a pas trahi: il est exagérément beau, d'un point de vue d'un graphiste comme moi.


Chaque plan, chaque cadre est une photographie (mis à part une erreur de transition entre deux plans au début du film). Le maquillage est impressionnant, les actrices ont toutes des visages fascinants, la musique est atmosphérique (d'ailleurs, j'y ai mis 8-9/10, allez l'écouter)... Ce film est beau. Très, très beau.


Je crois que de tous les films que j'ai vu, The Neon Demon entre dans le top 10 des films les plus "graphiques" que j'ai vu. Il est sincèrement magnifique. Ce qui me désole encore plus que le scénario soit aussi pauvre.

Conclusion : j'ai bien fait de ne pas aller à Kinépolis et payer 11,50€



Au final ? The Neon Demon est un film à voir, mais pas à avoir. A voir pour ses superbes plans, sa musique parfaite, ses indices légers sur le dénouement, dissimulés dans les maquillages, dans les statues de prédateurs... Mais un film à regarder qu'une seule fois, pour le scénario, malheureusement, bien trop fade.

Et le trailer ? Pourquoi tu parles du trailer dans le titre sans en parler ici ?



PARLONS-EN DU TRAILER. Celui qui a monté le trailer brûlera en enfer pour m'avoir fait rêver !


Petite anecdote: quand j'ai vu le trailer, j'ai cru que ça allait parler de fantastique. J'ai sincèrement pensé, à cause du puma, à cause des mains qui poussent le mur, à cause de la jeune femme qui semble "boire le sang" de la mannequin... que ça allait être un film fantastique. Ca ne l'est pas.


Ma théorie, c'était que l'héroïne était soit succube, soit vampire - ce dernier aurait fait sens avec le monde de la mode et le titre, "The Neon Demon", qui implicitement fait référence à la nuit.


Quand je suis allé le voir, je n'ai pas eu de déception à ce sujet, en vérité, je me suis dit que ça n'était pas grave et que ça allait embrayer sur autre chose. Cela dit, j'en veux méchamment au trailer, que je regarde régulièrement en imaginant ce que ça aurait pu être.


Le trailer nous promet de la tension (par son rythme rapide), de l'homosexualité (le rapport entre deux femmes), de la violence, qu'elle soit verbale ou physique (le coup porté à la tête), une anti-héroïne ("Are we having a party or something ?") et du fantastique / psychologique (les coups à la porte, elle qui hurle, le puma, les mains sur les murs - ça peut faire penser à soit quelque chose d'irréel, soit une maladie mentale (paranoïa, hallucinations, et caetera)).


Mais finalement, aucun de ces sujets n'est retrouvé, si ce n'est qu'une vague homosexualité qui au final sera une scène elle aussi peu justifiée - peut-être du contenu pour le trailer ?
Je ne dis pas qu'il faut justifier l'homosexualité dans un film, mais c'est comme si, sans vraiment de raison ou de relation profonde entre deux personnages, ils avaient une relation, qu'elle soit hétéro ou homo.


C'est dommage, je reste sur l'idée qu'incorporer du fantastique aurait pu donner quelque chose de bien, surtout avec un film aussi beau que celui-ci.

MystiCat
5
Écrit par

Créée

le 11 juin 2016

Critique lue 517 fois

1 j'aime

MystiCat

Écrit par

Critique lue 517 fois

1

D'autres avis sur The Neon Demon

The Neon Demon
Antofisherb
5

Poison Girl

Bon allez, pas d’introduction bien tournée pour cette fois, pour éviter toute confusion et parce qu’on colle des procès d’intention au film pas tout à fait pertinents, je vais commencer par quelques...

le 8 juin 2016

196 j'aime

45

The Neon Demon
Gand-Alf
5

Beauty is Everything.

Le temps d'un plan, j'y ai cru, au point d'en avoir une demie molle. Le temps d'un opening theme fracassant, me renvoyant au temps béni de Blade Runner, et dont les basses me parcourent l'échine avec...

le 20 juin 2016

194 j'aime

6

The Neon Demon
Sergent_Pepper
8

Splendeur et décadence.

La plastique, c’est hypnotique. La bande annonce, le clip, la publicité : autant de formes audiovisuelles à la densité plastique extrême qu’on louera pour leur forme en méprisant le plus souvent...

le 13 juin 2016

149 j'aime

19

Du même critique

10 Cloverfield Lane
MystiCat
8

J'écris parce que je veux pas dormir, voyez ?

Quand bien même personne ne lira cette critique, J'M'EN FOUS JE BALANCE TOUT. Un peu surpris de la note sur SensCritique, normalement je suis assez en accord avec la moyenne, mais là pas du tout. Du...

le 29 août 2016