The Old Oak
6.6
The Old Oak

Film de Ken Loach (2023)

Dans une petite ville jadis minière du Nord de l'Angleterre, TJ Ballantyne est le patron d'un pub The old oak où se retrouvent quotidiennement des habitués désoeuvrés qui ont vu peu à peu leur ville abandonnée des Pouvoirs Publics et de l'Etat, frappée par le chômage voire la précarité.

L'arrivée de réfugiés syriens dans des logements vacants de la ville crée immédiatement des tensions. La plupart des habitants ne comprend pas qu'on leur impose ce groupe alors qu'ils ont eux-mêmes bien du mal à joindre les deux bouts. Yara une jeune migrante qui a appris l'anglais dans un camp et passionnée de photos sympathise rapidement avec TJ qui va l'aider à réparer l'appareil photos qu'un mal embouché lui a cassé.

Notre cher Ken Loach, revient pour une dernière fois a-t-il affirmé, mais on ne le croit pas, toujours armé de sa caméra sociale et humaniste. Il comprend et connaît l'humanité avec tout ce qu'elle peut développer de plus sombre et de plus lumineux mais semble ici lui accorder une grande et belle confiance. Croire encore en l'espèce humaine en ce moment, cela parait presque naïf ! Et après les très sombres Moi, Daniel Blake et Sorry we missed you, le réalisateur place une nouvelle fois au centre de son récit, deux personnages ordinaires pas gâtés par les vicissitudes de l'existence mais qui vont ensemble pendant un temps tenter d'éclaircir l'horizon.

Yara va évoquer sa vie en Syrie, l'arrestation de son père adoré, resté en prison et dont elle, sa mère, ses frères et soeurs sont sans nouvelles, au point que parfois elle espère qu'il soit mort pour qu'ils puissent l'honorer enfin. Elle parle des conditions de sur-vie en camp, en prison. Les mots suffisent à détailler l'horreur. En miroir TJ révèle comment il a perdu tout espoir sans sa femme, son fils, "un homme bien" mais qui ne lui parle plus, son pub qui se détériore et qu'il n'a plus les moyens d'entretenir au point de ne plus pouvoir l'assurer en totalité, jusqu'à ce qu'un petit chien redonne un sens à sa vie.

Comme toujours Ken Loach "utilise" des acteurs non professionnels ou amateurs même si le formidable Dave Turner a déjà fait des apparitions dans deux précédents films. Ils représentent tous une façon de réagir à ce que certains considèrent comme une invasion, d'autres comme le moyen de tisser des liens de solidarité. Comme jadis lorsqu'ils étaient unis contre la violence du gouvernement Thatcher. Tout est donc évoqué, d'un côté le rejet, la crainte de l'autre, le racisme, les formules et affirmations à l'emporte-pièce, de l'autre, la solidarité, l'entraide, l'écoute, le partage assombris parfois par le découragement. Alors quoi de mieux pour tisser des liens que de manger ensemble ? Créer un lieu où tous ceux qui ne peuvent manger chaque jour à leur faim se rassemblent, aidés par des dons d'association, de la paroisse etc. ?

Yara exilée involontaire qui rêve de retourner dans son pays, photographe du présent regarde les photos des travailleurs en grève ou en manifestation que TJ a exposées dans une arrière salle et y trouve comme un écho à ses luttes et ses souffrances.

Je n'ai vu ni pathos ni misérabilisme ici. L'utopie quand elle est à ce point sincère et utile arrache les larmes dans un épilogue d'une grande puissance émotionnelle. On peut rêver encore que des mots tels que fraternité, solidarité, entraide, espoir, partage existent, aient un sens. Merci à ce vieux chêne de Ken Loach de nous faire une piqûre de rappel, c'est réconfortant un tel cinéma même si c'est difficile d'y croire.

Créée

le 29 oct. 2023

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