Aucun artifice à la James Bond dans ce film d'espionnage; on se rapproche plus de Homeland, en fait, avec, comme personnage central, une femme agente secrète dont la simple énonciation du métier montre bien ce que cette mise au féminin a de maladroit. Car elle est la seule femme dans un univers d'hommes, créé par eux à leur usage à peu près exclusif, même si son histoire et son caractère la poussent à croire un moment qu'elle peut jouer dans la même cour qu'eux. Elle se fourre évidemment le doigt dans l’œil, et on le savait avant elle. Solitaire, opaque, elle se régale du secret qu'elle tisse autour d'elle, pensant naïvement pouvoir préserver quelque chose d'essentiel qui n'appartiendrait qu'à elle. Sa dégringolade arrive lentement, de manière assez maligne, et on se rend compte qu'elle se leurre quand elle croit avoir gagné la confiance, à défaut de l'estime, des types qui la téléguident. Un seul se soucie véritablement de sa sécurité, mais il n'est lui aussi qu'une marionnette aux mains de psychopathes complètement cintrés. Sa dernière mission, pas vraiment dangereuse, l'expose plus que de raison aux immondices mentales de types qui la tiennent à leur merci, mais ça n'est pas ça qui contribue essentiellement à son dévissage : ce sont ses sentiments pour l'homme qu'elle a fourbement ficelé, "un grand enfant" qui l'émeut par sa croyance pathétique en sa toute-puissance. Et c'est là que le film met le doigt sur un point fondamental : l'immense malentendu entre hommes et femmes dans un monde où les premiers ne se croient empereurs que parce que les secondes pensent les protéger en entretenant leurs illusions, à la manière d'une mère qui fait mine d'admirer les pitreries balbutiantes de ses gamins. Un point de vue plutôt original donc, qui ne s'achemine en outre pas vers une fin archétypale.