Un quasi plagiat de Non-Stop, un thriller d'action lambda

Il était certain que le réalisateur espagnol avait un bel avenir devant lui. S’il s’était fait remarqué parmi les adolescents en 2005 avec La Maison de Cire, c’est surtout avec l’excellent Esther (2009) qu’il s’attira les faveurs d’un plus large public. Il enchaîna par la suite avec un très bon thriller d’action, Sans Identité (2011), qui lui permit de forger une grande amitié avec Liam Neeson, au point de ne poursuivre sa filmographie qu’avec cet acteur. Et c’est là que tout dérape pour le cinéaste… Car s’il a décidé de rester sur cette lancée, il a surtout un peu trop pris ses aises. Au point que le spectateur puisse voir son savoir-faire régresser de film en film, ces derniers se montrant de plus en plus tape-à-l’œil et beaucoup trop lambdas. Non-Stop ? Un bon suspense qui tient la route jusqu’à sa seconde partie, dérivant dans un n’importe quoi hollywoodien. Night Run ? Une intrigue mille fois vue de règlement compte entre mafieux/tueurs à gages, ni plus ni moins ! On pensait que le réalisateur s’arrêterait là, comme en témoignait son dernier titre, Instinct de Survie. Son premier long-métrage sans Liam Neeson depuis des années, qui souffrait de cette régression non dissimulée (mise en scène trop appuyée et cliché). Mais non, Jaume Collet-Serra remet le couvert avec Liam Neeson pour la quatrième fois pour un divertissement qui, s’il parvient à faire le taf, ne remonte nullement le niveau…


Et si Night Run pouvait déjà faire preuve d’un incroyable manque de prise de risque question scénario, The Passenger se présente à nous comme un ersatz de Non-Stop. Et pour cause, hormis quelques divergences, c’est quasiment la même intrigue. Ici, le train remplace l’avion. Mais le concept reste similaire : Liam Neeson devant trouver une mystérieuse personne à bord, susceptible d’attenter à la vie d’autrui ; et qui va se retrouver dans un engrenage infernal pouvant le faire accuser des morts qui s’entassent. Pardon ? Neeson est ici un représentant en assurance au chômage et non une espèce de marshal surentraîné ? Sur le papier, j’en conviens. Mais ils ont quand même pensé à en faire un ancien flic plutôt que d’oser le statut de Monsieur Tout-le-monde, pour justifier que le bonhomme sait se battre et possède un esprit de déduction plutôt affûté ! Tout ça pour dire que depuis Sans Identité, Jaume Collet-Serra nous ressert une nouvelle fois la même formule, et ce de manière plutôt négligé. Car en plagiant presque son propre film et en nous emmenant en terrain connu, il saccage un suspense déjà archi prévisible (l’identité du tueur se devine dès les premières minutes du film, franchement…). Certes, on se laisse prendre au jeu pour avoir le fin mot de l’histoire. Pour savoir si on avait vu juste. Mais nous sommes très loin des intrigues prenantes de Sans Identité et de Non-Stop qui, elles, savaient nous tenir en haleine et nous surprendre. Ici, c’est limite un prétexte pour le duo de collaborer sur un énième thriller d’action.


Et ce au risque d’aller par moment dans le ridicule ! Et si ce n’est pas le scénario qui le fait par instant, servi par des effets spéciaux douteux (le déraillement du train, avec un Liam Neeson toujours aussi increvable), c’est la mise en scène de Jaume Collet-Serra qui parasite le tout. Nous ne pouvons cependant pas reprocher l’énergie qu’il offre à chacun de ses films. The Passenger ne déroge pas à la règle et s’offre un panache non négligeable, bénéficiant des effets qu’utilise le réalisateur depuis quelques années. Mais là où le bât blesse, c’est que Collet-Serra en abuse de plus en plus. Instinct de Survie était le parfait exemple, ce dernier nous jetant constamment à la figure des ralentis gratuits, des gros plans inutiles, une BO excessivement exagérée et une caméra beaucoup trop artificielle (sa façon de se mouvoir dans le décor) pour convaincre. Avec The Passenger, nous retrouvons exactement cette même mise en scène grossière, qui nous empêche d’entrer pleinement dans l’intrigue. Le film en fait littéralement des caisses dans sa manière d’exposer ses scènes, et cela en devient agaçant en cours de route.


Après, il faut bien reconnaître que The Passenger n’est pas mauvais en soit. Jaume Collet-Serra se repose sans aucun doute sur ses lauriers, mais il arrive à livrer une série B honorable. Celle qui assure le spectacle en se montrant divertissante ne serait-ce qu’un minimum. Celle qui parvient à user de l’aura si charismatique de Liam Neeson, malgré son âge commençant à lui faire défaut (le film y fait d’ailleurs quelques allusions, apportant une petite touche de légèreté bienvenue). Celle qui peut amuser en proposant quelques séquences d’action sympathiques, à défaut d’être crédibles la plupart du temps. Celle qui se permet d’avoir un casting pour le moins prestigieux (Vera Farmiga, Patrick Wilson, Sam Neill), bien que chacun ne soit pas à leur maximum, ne le cachons pas ! Celle qui permet de faire passer le temps de son visionnage, ne prenant nullement la tête sans toutefois marquer les esprits. Bref, The Passenger est un divertissement qui remplit sans mal son cahier des charges. On ne s’ennuie pas, et c’est déjà ça !


Mais il est impossible de ne pas pester devant ce long-métrage. Jaume Collet-Serra montrait qu’il savait aussi bien manier le suspense qu’en mettre plein la vue. Qu’il pouvait livrer un divertissement digne de ce nom. Aujourd’hui, avec The Passenger, il poursuit sur le chemin de la facilité en nous servant un film lambda au possible. Pas original pour un sou, visuellement grossier mais se rattrapant par son énergie, son efficacité et sa tête d’affiche, le nouveau titre de Collet-Serra se laisse regarder sans déplaisir. Il serait temps pour le cinéaste de se secouer un peu, car il peut faire mieux que cela. Il gâche son talent, et il serait vraiment dommage qu'il poursuive sur cette voie avec un énième film d'action mettant en vedette Liam Neeson.

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