Difficile de parler de la nouvelle réalisation de Derek Cianfrance, The Place Beyond The Pines, sans la dénaturer et la vider de tout son intérêt. De part sa structure narrative Hitchockienne et son scénario, peu surprenant, mais bien mené, il n’est pas évident pour moi d’éviter le spoil si justement détesté par la grande majorité de la population. D’autant plus que malgré ses atouts, le long métrage est imparfait, s’attachant des boulets au pieds qui, sans eux, aurait permis à celui-ci d’aller vers des sommets.

Acclamé par la presse et les critiques diverses, The Place Beyond The Pines mériterait malgré tout d’être un poil revu à la baisse, car malgré ses qualités évidentes et son casting pratiquement irréprochable, il est imparfait. Probablement trop ambitieux dans son approche, souhaitant mêler plusieurs récits en un seul linéaire que certains n’apprécieront pas, il perd de son dynamisme à mesure qu’il s’enfonce dans le sujet. Il faut dire qu’un sujet de la sorte n’est jamais bien simple à mettre en œuvre. Il ne faut pas perdre le spectateur dans un panel trop important de personnages ou de récits entremêlés. La semaine dernière encore Cloud Atlas le faisait à une échelle frisant le vertige tandis qu’ici, les ambitions sont évidemment revues à la baisse. C’est d’ailleurs la première surprise du film, et aussi le premier spoil (vous m’excuserez) auquel on ne peut échapper. La bobine ne se concentre pas seulement sur un duel entre Gosling/Cooper comme les bandes annonces nous l’ont tous fait croire, mais se décompose en trois actes ou finalement, les deux héros ne se croiseront que lors d’une scène. Au final chacun se verra donc entre guillemets, héros de son propre film. Chacune de ses parties traitant en général, un sujet particulier tout en y mêlant un sujet commun : les difficultés à être un bon père.

Deux hommes qui agiront dans le but même d’aider leur famille, en mettant leurs talents en œuvre. De l’un se trouve Luke Glanton, cascadeur en moto itinérant qui se retrouvera à faire des casses pour subvenir aux besoins de sa famille naissante tandis qu’Avery Cross, lui, se verra pris dans un sombre complot au sein de son équipe de police, ce dont il profitera pour essayer de s’attribuer le beau rôle et de se sortir de ce merdier. Il est donc déjà plaisant de ne pas voir ici de manichéisme basique entre le père aimant qui fait des conneries et le bon flic parfait qui agit en héros, étant donné que l’un comme l’autre, ils feront aussi bien de bonnes ou de mauvaises actions qui auront, plus ou moins un effet sur leurs descendances. Oui, je vous spoile encore mais que voulez-vous, il m’est pratiquement impossible de parler du film sans évoquer son scénario. Un scénario comme je le disait très linéaire au final, ne sortant jamais des sentiers battus et préférant les flash forward que les effets de mise en scène trop alambiqués. En soit Cianfrance n’a pas la volonté de bouleverser son spectateur malgré les petites surprises qu’il arrive à nous réserver. C’est plus dans son approche brute et naturelle qu’il arrive à nous prendre aux tripes, nous exposant des personnages meurtris, solitaires et silencieux qui parleront plus par les yeux que par les mots. Tous liés par des actes sans pour autant le savoir, chacun de ces personnages évolue tant bien que mal dans une ville de Schenectady rongée par la crise et la pauvreté.

Une approche naturaliste bienvenue quand il s’agit d’évoquer les relations père-fils qui s’apparentent à un chemin tortueux. D’un côté l’enfant qui n’a aucun souvenirs de son père et de l’autre celui qui fait volontairement des conneries afin de montrer son importance envers un père aimant mais distant. C’est d’ailleurs sur ces points que les performances de Bradley Cooper et de Ryan Gosling se retrouveront mises en valeur par des séquences touchantes ou percutantes. Malheureusement cela s’arrête là car au milieu de tout ça se mêle donc un imbroglio d’histoires plus au moins intéressantes. La première partie se révèlera prenante et pesante tandis que la seconde sera inutilement complexe pour finir par une dernière partie mêlant les deux premières soit avec subtilité soit en manquant de finesse. Comme si Cianfrance ne savait plus quoi faire de ses personnages, ils agissent tous plus au moins de manière chaotique, chacun essayant de se dépatouiller de ses soucis. Une dernière partie ou les différents liens entre les personnages se révèlent être peu subtils de par la façon dont ils sont présentés à l’écran malgré l’intérêt qu’ils offrent. Ce troisième acte révèlera d’ailleurs deux acteurs : l’un, déjà vu dans le moyen Chronicle et qui fait preuve d’une grande aisance tandis que l’autre se révèlera caricatural et mauvais dans son jeu. Un personnage beaucoup trop mal écrit pour être crédible de part ses propos idiots et son look ridicule.

Bref The Place Beyond The Pines à beaucoup de qualités comme il à des défauts qui viennent ternir une fin qui, si elle avait été correctement mise en scène, aurait permis à celui-ci de s’envoler vers les cieux des films marquants. Tout n’est pas à jeter bien évidemment mais il manque cette finition importante dans un film d’auteur de ce genre. Signalons tout de même une réalisation sympathique et agréable, réussissant même à nous proposer des poursuites prenantes et saisissantes. Le casting n’est pas en reste et si tout n’est pas rose, retenons quand même une Eva Mendes en grande forme, un Bradley Cooper en passe de trouver le ton qu’il faut et un Ryan Gosling touchant mais très voire trop proche encore de son rôle dans Drive. Il faudra qu’il change de registre dans le futur. Le nouveau film de Derek Cianfrance reste donc attachant et agréable malgré ses imperfections, après tout il représente bien son thème et ses personnages meurtris.
Florian_Bodin
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le 26 mars 2013

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Florian Bodin

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