La formule est si simple, si limpide qu’il est étonnant que personne n’ait exploité le filon avant Pougkeepsie tapes (enfin, dans une certaine mesure, Guinea Pig l’a fait, et Snuf 102 en serait une version uncut). Entièrement bâti comme un reportage télé enregistré sur le câble, le film narre donc les exactions d’un psychopathe inventé de toutes pièces, et s’aborde comme une émission de vulgarisation d’affaires criminelles. La procédure de description permise par le moyen est exploitée au maximum, le réalisateur use de tous les moyens à sa disposition pour enrichir l’objet, gonfler de détails l’enquête, étoffer les preuves… Il a aussi l’intelligence de recourrir à une multitude d’interviews, utilisant un nombre assez conséquents de figurants qui, interviewés pendant seulement quelques minutes chacun, forment le microcosme habituel des cellules d’enquêtes sur les psychopathes (agents du FBI, porfilers, police locale, témoins impuissants, avocats, juges… toutes les instances y passent). Et bien sûr les vidéos en elles montrant le psychopathe en action, variant les ambiances et les plaisirs (grimé d’un masque vénitien et d’une cape noire pour le jeu de soumission qu’il entame avec la seule rescapée des carnages, ou revêtu d’une combinaison de risque chimique pour du débitage à la hache…), sans que le spectateur n’y voit grand-chose… (quelques détails gores, surtout les cris des participants…). On trouve quelques os à ronger dans Pougkeepsie, qui avec son réalisme, tire des conclusions logiques sur les différents meurtres mis en scènes, et suit donc la logique classique de la police pour trouver l’identité du tueur. Il y a aussi la dénonciation de la peine de mort, peut être la plus féroce du film (un individu accusé, puis exécuté avant que ne reprennent les meurtres, le scandale ayant été étouffé par le 11 septembre). Mais tous ces « points » sont là aussi des détails, des trucs qui sont là pour donner un peu de matière, mais qui ne seront pas développés au-delà. Il en est de même lors de l’interview de la seule victime ayant survécue à son enlèvement. Oui, l’actrice est authentique, mais à quoi sert son intervention, qui n’apporte rien au débat ? Elle ouvre une porte sur quelque chose, et alors ? C’est finalement là qu’on touche le point faible de Pougkeepsie Tapes : il n’a aucun fond. Il est si concentré sur sa reconstitution méticuleuse des faits et de l’affaire qu’il en oublie d’avoir une vision, de dire quelque chose, en bref de se démarquer des faits divers quotidiens qu’il imite, certes avec talent, mais sans les dépasser. Au final, vaudrait-il mieux regarder un fait divers en direct, ou une imitation de fait divers en se dédouanant parce que « c’est du cinéma », mais c’est si fidèle à la réalité que cela reviendrait à la regarder dans un miroir… Pougkeepsie n’est qu’un fait divers non réel, qui cumule beaucoup de choses réelles, sans faire avancer en quoi que ce soit le spectateur. Dans le genre, autant lire Faits divers Criminels, revue que je conseille grandement aux amateurs de trash (des montages photos moches comme pas permis, des comparaisons audacieuses « la fillette, parvenue à éteindre le feu qui la consumait, ressemble maintenant à un kébab à point… », une vision nuancée de la vie…).
Voracinéphile
3
Écrit par

Créée

le 6 oct. 2013

Critique lue 554 fois

1 j'aime

2 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 554 fois

1
2

D'autres avis sur The Poughkeepsie Tapes

The Poughkeepsie Tapes
JimBo_Lebowski
5

Capharnaüm

Je suis très partagé, autant je n’ai pas énormément de choses à reprocher au fond de cette histoire de meurtres sordides, l’enquête est même d’ailleurs assez passionnante dans un sens, mais pour ce...

le 22 mars 2015

15 j'aime

The Poughkeepsie Tapes
Truman-
5

Critique de The Poughkeepsie Tapes par Truman-

The Poughkeepsie Tapes me laisse sur un avis mitigé, il y a du bon et du moins bon, des idées et de l’ambition et un petit budget mais il y a aussi des maladresses . C'est mis en scène sous forme de...

le 21 oct. 2013

5 j'aime

3

The Poughkeepsie Tapes
betelgeuse
8

Snuff movie

Ce film tourné de façon quasi documentaire, en effet les images saturées et granuleuses en témoignent, assume complétement son statut de snuff movie, en tout cas il en a la vocation, ou film à la...

le 2 juin 2011

5 j'aime

Du même critique

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

99 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36