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Il y a des films qui marquent une année et d’autres qui marquent un genre.

The Substance fait probablement partie des deux.

Néanmoins, qu'il soit bloqué dans son genre est peut être un peu dommage pour un plus large public...


J’en avais entendu parler comme l’un des chocs de 2024 puis je me suis laissé le plaisir de la découverte... à l'ouverture du paquet, j'ai eu la surprise de découvrir un film d’horreur qui allait redéfinir le body horror, et après l’avoir vu, je peux le confirmer.

C’est une expérience qui fascine autant qu’elle dérange.


Dès les premières minutes, le film pose une ambiance hypnotique.

On plonge dans un univers où l’obsession du corps, de la jeunesse et du contrôle de son image devient une menace tangible, une entité vivante qui se tord et se révolte. Ce qui est d’abord présenté comme une solution miracle tourne lentement à la dégénérescence la plus cauchemardesque, et c’est là que le film brille... Il ne prend pas son spectateur par la main, il l’embarque dans une descente aux enfers où la chair elle-même devient l’ennemi.


Demi Moore est tout simplement magistrale. C’est une actrice qu’on a longtemps réduite à certains rôles emblématiques et on a tous Friends en tête. Mais ici et à l'instar de Scream elle s’impose comme une reine de l’horreur, dans une performance viscérale, déchirante. Son jeu transcende les artifices habituels du genre, elle incarne la souffrance, l’angoisse, la fascination et le rejet de soi avec une justesse hallucinante.


On pourra reprocher au film une première partie très chargée en exposition sexuelle. Les plans sur les corps, la mise en scène hyper sexualisée peuvent sembler gratuits… Montrer la beauté avec 80% des gros plans sur des fesses en mouvement est un peu facile...

Jusqu’à ce qu’on comprenne que tout cela n’est là que pour créer un contraste d’une brutalité absolue avec ce qui suit. Une fois que l’horreur commence réellement, chaque excès du début prend un sens glaçant. C’est une escalade, une transformation progressive qui va bien au-delà de ce qu’on ose imaginer en début de film.

(J'ai été un peu dur en écrivant ce reproche... Car en dehors des plans graveleux choisis au début, ils sont aussi là pour mettre en évidence le traitement de la lumière qui est magistral!)


Et c’est là que The Substance marque sa différence. Il ne se contente pas d’être un simple film d’horreur graphique, il travaille son propos en profondeur. Il explore l’obsession du contrôle sur son apparence, le mythe de la jeunesse éternelle, la peur du temps qui passe et la façon dont la société impose des standards impossibles à atteindre.


En revanche, la surutilisation des moments d'horreurs grimpants pour finalement se rendre compte qu'on est face à un rêve est assez triste... C'est un mécanisme assez pauvre, donc quand on l'utilise une fois c'est déjà dommage, mais ici on y a quand même droit trois fois.

Encore une fois, pour désamorcer mon reproche, c'est pour créer le contraste avec la fin et son escalade, ou on espère être face à un rêve.


Visuellement, le film est sublime et monstrueux à la fois. Les effets pratiques et la mise en scène sont d’une précision glaçante, rappelant les meilleures heures du cinéma d’horreur des années 80-90 tout en y injectant une modernité et une audace rarement vues ces dernières années. On retrouve des échos à The Fly, à Tetsuo, à Possession, mais The Substance ne se contente pas d’hommager les classiques, il impose sa propre voix, sa propre radicalité.

Je suis sorti de la séance à la fois fasciné et mal à l’aise. Ce genre de films ne se contente pas de divertir, il s’infiltre en nous, il laisse une empreinte. C’est un cauchemar éveillé qui joue sur notre perception de la chair, du contrôle et de la perte de soi, avec une intelligence et une maîtrise qui forcent le respect.


The Substance est un film qui ne laissera personne indifférent. Soit on l’adore, soit on le rejette, mais il est impossible de l’oublier. Un choc cinématographique, une résurrection du body horror à son plus haut niveau. Ce n’est pas qu’une œuvre de body horror, c’est une œuvre psychologique qui creuse profondément dans notre rapport au corps et à l’identité.


Ceci dit, attention avec la fin!

Car au vu du genre, on doit s'attendre à une fin ou vous allez devoir avoir le cœur assez accroché et qui va surtout jouer avec le dégoût. J'aurais voulu qu'il le soit un peu moins, pour inclure un peu plus les spectateurs/trices plus "faiblards?". Mais encore une fois, je vais tacler mon reproche, car ils ont joué la carte du respect du genre et c'est tout à l'honneur du film!

Je pense qu'au fond, j'aurais préféré pouvoir le conseiller et le montrer à plus de monde. Ici, étant donné qu'il va être bloqué dans son genre, je pense qu'il pourrait finir par être tourné en ridicule, voir boudé et je n'espère pas pour lui.


PS: Pour moi qui ai adoré des mangas comme Kasane et Baptism, qui traitent eux aussi du rapport au corps et à l’identité sous un angle cauchemardesque, The Substance est un véritable bijou et je vous recommande vivement ces deux autres oeuvres!

KumaCreep
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Créée

le 20 mars 2025

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