The Tree of Life a une réputation tout à fait particulière. Chef d’oeuvre pour certains, oeuvre prétentieuse et faussement intellectuelle pour d’autres, c’est un film qui semblait aussi obscur qu’il ne cesse de diviser ses spectateurs. Il semblait, à mes yeux, depuis longtemps comme un film à découvrir, mais qui était empreint d’un certain mysticisme, un côté presque sacré qui le rendait assez inquiétant. Forcément, quand j’ai lancé le visionnage du film, je savais que je m’attaquais à un sacré défi.
Il est certain que la temporalité du récit se présente comme l’un des éléments les plus discriminants quant à notre capacité à apprécier et à suivre l’œuvre de Malick. A l’issue de l’annonce de la tragédie initiale viennent se mêler souvenirs antérieurs et images du présent, recentrant ce même moment du présent autour de ce souvenir difficile. Rien de bien anormal ni d’étonnant jusqu’à ce que, pendant un acte de près d’une demi-heure, Malick aille jusqu’à nous ramener au Big Bang, à la formation des galaxies, des étoiles et des planètes, à la naissance de la Terre, de la vie, au temps des dinosaures, puis des mammifères, et des Hommes, raccrochant les wagons jusqu’à la genèse de la famille que nous découvrions au début du film. Il est alors tout à fait compréhensible de trouver la démarche du cinéaste déroutante, de se demander quel était le but de ce vertigineux retour en arrière de plus de 13 milliards d’années. Une démarche en effet étonnante, mais qui témoigne d’une sorte de radicalisation du cinéma de Malick, dans le sens où, dans The Tree of Life, le cinéaste n’hésite pas à aller au bout de ses idées.
En effet, ses précédents films témoignaient déjà d’une volonté de revenir aux origines. L’origine de l’Amérique moderne dans Les Moissons du ciel, celle de la civilisation américaine moderne et la fin des civilisations amérindiennes dans Le Nouveau Monde, ou l’origine de l’humanité dans La Ligne Rouge, par exemple. Dans The Tree of Life, Malick mène sa quête de l’originel jusqu’à l’origine des origines, à travers la puissance créatrice et destructrice de l’univers. C’est relier notre existence à celle de l’espace, des étoiles et de tous les êtres qui ont peuplé la Terre bien avant nous. Malick vient ici donner lieu à une puissante symphonie à travers les échelles et les dimensions, allant de l’immensité de l’univers à l’intimité de la famille, un singulier périple à travers le temps et l’espace.
The Tree of Life est, d’ailleurs, un film qui joue beaucoup sur les échelles. Comme nous pouvions le constater dans ses précédents films, notamment La Ligne Rouge, qui transformait les soldats en petites fourmis se frayant un chemin à travers les hautes herbes. Malick aime rappeler à quel point l’Homme est petit par rapport aux forces qui l’entourent. Ici, le cinéaste joue sur deux échelles, avec une échelle spatiale, basée sur l’immensité de l’univers, et une échelle temporelle, basée sur son âge très vénérable, notamment comparé à une vie humaine. Des échelles si gigantesques que la vie apparaît comme un miracle. Et c’est aussi l’un des principaux points de The Tree of Life, qui s’avère être un film très spirituel. Le cinéaste se plaît souvent à filmer des plans en contre-plongée, qui mettent en perspective les personnages par rapport à l’espace dans lequel ils évoluent et, surtout, qui nous raccordent au ciel et à l’espace, dont nous provenons. Un lien avec « là-haut », magnifié par la simplicité poétique du quotidien, la beauté et les aléas de la nature humaine.
C’est un Malick très spirituel qui nous offre ce poème de deux heures qu’est The Tree of Life. Appuyer l’immensité de l’univers pour célébrer le miracle de la vie, se remémorer la grâce de moments perdus dans le temps, et la vivacité des sentiments. Un film d’une beauté impressionnante, où Malick fait comme voler et glisser la caméra grâce aux mouvements fluides permis grâce à la steadicam. Il va au bout du bout, esquivant sans cesse les codes et les attentes, pour raconter une histoire finalement très simple, mais qui peut aussi facilement nous échapper. Une oeuvre qu’il faut digérer puis, un jour, se replonger dedans. C’est un vrai flux d’images et de musiques qu’il faut absorber et entretenir.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art