A première vue, The Wall ressemblerait à tous ces films mineurs tendance thriller, tournés à l'économie, sans grande ambition. La présence de John Cena au casting accrédite une telle hypothèse, tant il a pu faire étalage de son jeu d'acteur semblable à celui d'une loutre morte dans les inénarrables 12 Rounds et The Marine.


Elle serait totalement validée si Doug Liman ne s'était pas trouvé derrière la caméra. Car il transforme à lui seul son film de guerre apparemment low cost en une sacrée réussite, mine de rien. Presque toujours tendu, ramassé, électrique, shootant un huis clos à ciel ouvert dans un décor vide et aride balayé par le vent du désert. Uniquement délimité par un mur fragile en forme de frontière, de fossé, de refuge.


Pas d'assauts désespérés ou de fusillades furieuses. La guerre se fait thriller en faisant s'affronter deux hommes à distance, à portée de fusil, comme dans le superbe Stalingrad : Enemy at the Gates, ainsi que sur les ondes radio. Une telle communication rappelle les récents Buried ou Locke, mais surtout un des plus hauts faits d'armes de Joel Schumacher : Phone Game, qui voyait Colin Farrell s'inscrire dans le viseur d'un invisible tireur.


Le principe est réutilisé ici à l'identique, dans un jeu du chat et de la souris où le sniper adverse peut se cacher n'importe où. On se demande pourquoi il veut en savoir autant sur sa victime. On se demande qui il est et ce qu'il veut réellement. On devine qu'il a déjà joué un jeu similaire avec des précédentes victimes.The Wall lèvera peu à peu le voile, d'abord centré sur ses protagonistes, avant que la caméra ne recule pour livrer un dessin peu glorieux de l'Amérique et de son interventionniste bien intentionné. Allant même jusqu'à inverser les valeurs culturelles en faisant réciter par l'ennemi du Edgar Allan Poe. Les raisons de la présence étatsunienne en Irak, malgré la fin de la guerre, sont questionnées, tout comme les alibis humanitaires et économiques.


Le procédé est devenu extrêmement usuel depuis l'ère Bush Jr. The Wall ne révolutionnera rien sur ce point, tout comme il souffrira de menues facilités ou d'un léger relâchement dans la tension. Mais le film fonctionne, réduit à une abstraction, en refusant obstinément de se conformer au cahier des charges hollywoodien, jusque dans ses ultimes secondes où The Wall rebondit totalement et se dessine dans un défaitisme qui laisse pantois un visage noir, désabusé.


Car The Wall semble soutenir la vision singulière de son réalisateur ou de son scénariste en affirmant, rien de moins, que la lutte est perdue d'avance. Qu'une super puissance sera tenue en échec, malgré la débauche de moyens, malgré la supériorité évidente. Et surtout par un seul, isolé, en forme de grain de sable qui, insinué dans les rouages de la machine, la grippe pour ensuite la mettre totalement en rideau. Comme une simple cellule cancéreuse qui propage son mal dans un organisme incapable de le combattre.


Un tel discours laissera le spectateur pantois, peu habitué à trouver dans la production actuelle une telle renonciation dans le propos, amer et totalement dénué d'envolées patriotiques ou héroïques, d'un film de guerre atypique qui s'inscrit comme un nouveau sommet dans la filmographie d'un Doug Liman pour le moins éclectique.


Behind_the_Mask, Paint It Black.

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