The Whale est une oeuvre d'immersion, d'enfermement même, un film dans lequel l'on se trouve projeté, secoué durant deux (longues) heures.
Cet art de la viscéralité (pour le meilleur et parfois le pire) est loin d'être nouveau chez Aronofsky, c'est même l'essence de son cinéma. C'est par le biais d'un écran d'ordinateur, lors d'un cours à distance que l'on entre chez Charlie, enseignant de fac. Sa Webcam, désactivée "car elle ne fonctionne toujours pas"-dit-il-, renvoie un écran muet à tous ses étudiants aux visages impassibles. L'un deux en plaisante, Charlie répond qu'ils ne manquent pas grand chose.
Pourtant....
Puis peu à peu l'écran noir devient un point grossissant jusqu'à occuper tout l'espace. L'invisible se révèle, Charlie, un homme de près de 300 kilos, visiblement malade apparait, occupé à tenter de se donner du plaisir devant une vidéo porno gay, jusqu'à qu'il soit interrompu par l'irruption dans son appartement d' un jeune garçon venu précher la bonne parole. Charlie filmé en gros plan se sent mourir et lui demande alors de lire un texte.
Trois petites minutes, quelques très gros plans en 4/3 ont planté le décor, nous sommes déjà des spectateurs légumes, bouches béantes, totalement déroutés mais irrémédiablement impliqués déjà dans la vie de cet homme hors normes, prisonnier d'un un univers trop étroit et de souvenirs affreusement douloureux, portant le poids d'un fardeau bien trop lourd pour lui.
C'est avec cet homme que nous allons cheminer deux heures durant, cet homme que nous allons accompagner à chacun de ses courts mais périlleux déplacements, accompagner encore dans sa tentative pour renouer des liens affectifs avec sa fille, dans sa quête douloureuse de rachat.
Mais au delà de le rédemption, The Whale est l'oeuvre du retour à l'humanité, celui de Charlie et plus métaphoriquement celui de Brendan Fraser, l'oublié d'Hollywood, lumineux dans le rôle, le regard empli sans cesse de compassion, visage fatigué mais ô combien vivant, tourné vers l'autre à chaque instant. L'autre, les autres, ce sont sa fille (on pense évidement souvent à "The Father" et à Anthony Hopkins) ado, mi -ange mi-démon, son "infirmière, ce jeune vendeur de bibles , son ex et un mystérieux livreur de pizzas qui finira par entrevoir Charlie, dans une expression mêlée de surprise et de dégoût. C'est également un conte fantasmagorique ,dans lequel sous la patte retorse d'Aronofsky se disputent le merveilleux des sentiments, la laideur des lieux, la fascination pour ce personnage au corps monumental.
Une oeuvre déroutante dérangeante, pénible parfois, mais très belle également, bref un objet qui ne laisse pas indifférent.