Ce Wicker Man est un bel ovni venu tout droit du Royaume-Uni, un film inclassable entre enquête policière, comédie burlesque et film d'horreur folk.
Certes, et c'est son grand défaut, il accuse le poids des années, en souffrant d'une esthétique seventies délicieuse en effet, mais qui atténue nettement le sentiment de peur, et sent le daté.
Néanmoins, c'est précisément parce qu'il est un film des années 70 que ce Dieu d'Osier est aussi libre de ton, libre esthétiquement et formellement. Il parvient en peu de temps à créer un univers visuel et iconique richissime (des petits symboles, des déguisements, des chansons, des figures mystiques partout).
Sans rien auquel le comparer (bien qu'il fasse penser au récent Midsommar qui semble s'en être très largement inspiré), il est un objet unique, qui jongle habilement avec les genres et plonge son spectateur dans un univers en décalage, qu'on sentira dès ses premières images. Par le refus puis l'hésitation qu'ont les habitants de l'île à venir chercher à la barque le policier qui nous sert de héros, par l'omniprésence des hommes et la sexualisation permanente (mais suffisamment bizarre et subtile pour ne devenir dérangeante que progressivement), le décalage est de plus en plus marqué.
Là où Robin Hardy est excellent c'est dans la naissance par de petits riens dérangeants d'un sentiment de malaise dont on ne saurait précisément déterminer l'origine. Il noie son spectateur sous des images dérangeantes ou grotesques qui le perdent progressivement. En faisant siens les codes du New Age et de la culture Hippie, il les décortique, les moque tout autant qu'ils s'en inspire, parodiant même souvent les comédies musicales de son temps.
Enfin c'est par sa vision relativiste des religions qu'il est particulièrement mordant, rebattant les cartes religieuses, mettant à plat toutes les conventions pour mieux en démontrer le fondement absurde et contingent, comparant dès son ouverture le christianisme aux rituels païens de cette culture insulaire, cette religion n'étant selon lui (et à raison) qu'une secte parmi tant d'autres mais qui au fil des siècles a réussi à s'imposer (laissant évidemment entendre par là qu'une tout autre aurait également pu le faire aussi bien), une secte donc, fondée sur des rituels considérés aujourd'hui comme majoritaires dans nos cultures européennes, et ne rimant pourtant à pas grand chose lorsqu'on les regarde avec l'œil vierge de l'anthropologue.
Il fait ainsi de notre seul point d'accroche dans ce monde si étrange de l'île, l'inspecteur de police protagoniste, chrétien jusqu'à l'os, un repère de fixité qui finit peu à peu par nous échapper, déstabilisant les apriori du spectateur et le poussant avec brio à la remise en question permanente.
Ainsi si The Wicker Man échoue peut-être un peu à être un glaçant film d'horreur, il estun brillant exercice libre, un objet filmique extravagant, et un traité (presque) fictif d'anthropologie et de relativisme culturel assez brillant.