Il y-a quelque chose qui me touche beaucoup dans The Wrestler de Darren Aronofski et qui est ce parallèle troublant qui existe entre la carrière de Mickey Rourke et de son personnage dans le film. Un peu de la même manière que la série des Rocky est un miroir de la carrière de Sylvester Stallone on peut voir dans The Wrestler un point de vu terriblement mélancolique et désabusé sur la carrière de Mickey Rourke qui à l'image de son personnage fût lui aussi une star durant les années 80 avant de devenir un has-been magnifique.


Randy Robinson dit The Ram est donc une ancienne gloire du catch qui se produit maintenant dans des tristes galas de quartiers se déroulant le plus souvent dans des écoles et des petites salles des fêtes. Loin de sa gloire passée The Ram ne garde finalement plus grand choses de ses heures de gloire, rien de plus qu'une vague nostalgie et une surtout Nintendo Nes authentique sur laquelle il revit sa gloire d'antan à travers un jeu de catch dont il reste le héros intemporel. Lorsque Randy Robinson est victime d'une attaque cardiaque il doit alors renoncé aux dernières miettes de sa gloire et à ce qui reste de sa raison de vivre à savoir le catch et surtout la promesse d'un ultime grand retour.


Darren Aronofski laisse pour un temps sa réputation de metteur en scène virtuose de l'image imposée par ces premiers film Requiem For a Dream et The Fountain pour donner à son film un aspect naturaliste et presque documentaire dans lequel il ne fera finalement que suivre au plus près son anti-héros en lui collant aux basques durant tout le film. Et suivre n'est pas qu'une expression tant le film regorge de plans montrant le héros de dos alors que la caméra tente de le suivre, Darren Aronofski laisse également le plus souvent son personnage en plein centre de l'écran et par extension au cœur du récit. Une façon peut être de dire que l'image est ici moins importante que l'humanité de celui qui s'y trouve.


Et l'homme qui est au centre de cette chronique nostalgique c'est donc pour moi Mickey Rourke tout autant que The Ram. L'acteur reste une immense star des années 80 dont on retient malheureusement plus facilement le coté belle gueule sexy de films mineurs comme 9 Semaine 1/2 que la poignée de très grands films dans lesquels il aura joué comme Rusty James, L'Année du Dragon, Angel Heart, Barfly ou Le Pape de Greenwich village. Ensuite il est vrai que l'acteur va enchainer des choix professionnels discutables et de nombreux excès en tout genre dans sa vie privée; une chose est certaine la belle gueule de jeune premier du cinéma américain va devenir en l'espace de quelques années une tronche improbable d'acteur de second plan. Un peu comme The Ram passant du Madison Square Garden à une sinistre petite salle des fêtes de quartier, Mickey Rourke est passé du haut de l'affiche et de la une des couvertures de magazines à des niveaux beaucoup plus confidentiels d'exposition médiatique tout en continuant toujours et encore son métier. Car Mickey Rourke ne va jamais cesser de tourner même si le plus souvent ce ne sont que des petits rôles, du moins dans la durée car ses apparitions et ses second rôles dans des films tels que Animal Factory, Buffallo'66 et surtout The Pledge de Sean Penn sont le plus souvent de très très grand moment de cinéma. Rourke ne va retrouver finalement le haut de l'affiche qu'avec Sin City puis Domino et surtout maintenant avec ce film d'Aronofski qui prend parfois la forme intrigante d'un biopic allégorique.


Il faut saluer à plus d'un titre la formidable idée d'avoir utilisé le catch comme toile de fond du film, tout d'abord parce que la boxe aurait trop rapproché The Wrestler de Rocky dans sa mécanique, ensuite le catch n'a finalement que très peu servi de toile de fond à des films sérieux, mais surtout parce que le catch est finalement proche du cinéma dans le sens ou c'est un spectacle chorégraphié avant d'être un sport. Un spectacle qui n'empêche pas de prendre des coups, de donner de sa personne et de se faire mal à l'image de l'éprouvante séquence de catch sur un ring jonché de verre, de fil barbelé pour un combat durant lequel on s'enfonce des agrafes dans le corps. Mais le film s'intéresse avant toute choses à l'aspect humain de ceux qui vivent par et pour le spectacle, à la notoriété qui fout le camp, à cette dualité entre la lumière artificielle du show et celle plus naturelle du quotidien, au temps qui passe de manière irrémédiable fatiguant les corps et les esprits. Ce n'est pas un hasard si l'amie de The Ram est une stripteaseuse qui elle aussi fait commerce de son corps avec parfois des remarques désobligeantes sur son âge, d'ailleurs les deux semblent avoir eu du mal à concilier leur vie privée et leur métier peu commun. Toutefois même fatigué, usé et loin de son faste d'antan The Ram reste une personne importante et respecté sur un ring alors que dans sa vie quotidienne il est un type ordinaire, solitaire et paumé qui a bien du mal à se dépêtrer avec ses sentiments amoureux et paternels. Lorsque le personnage se retrouve contraint par le destin de terminer sa carrière Daren Aronofski dresse alors le portrait terriblement attachant d'un mec qui aura consacré tellement sa vie au spectacle et qu'il se retrouve totalement inadapté à une vie tristement plus ordinaire. The Ram doit redevenir Randy Robinson et il se retrouvera contraint de se fondre dans le quotidien jusqu'à y perdre son identité comme dans cette formidable scène du supermarché dans laquelle Randy, qui doit se faire appeler Robin pour coller à son badge, se force littéralement à jouer au marchand avant de craquer.


The Wrestler comporte de nombreuses scènes très émouvantes comme les échanges bouleversants entre tension et affection que vont vivre The Ram et sa fille (Evan Rachel Wood) qu'il a délaissé durant de longues années, ou bien encore les échanges magnifiques de tendresse et de justesse avec Cassidy la stripteaseuse ( Marisa Tomei absolument parfaite ! ) comme devant la boutique de fringues, dans le bar autour d'une bière ou encore avant le tout dernier combat. Le personnage se retrouve à le recherche du tant perdu au fil des ans, l'amour de sa fille, la tendresse d'une femme, le repos du guerrier. Mais la scène la plus émouvante du film reste pour moi l'extraordinaire réunion d'anciens combattants totalement fracassés physiquement et qui viennent vendre dans une petite salle des fêtes les toutes dernières reliques de leur gloire passée.


Alors bien évidemment The Wrestler arrive un peu après le Rocky Balboa de Stallone qui proposait une trame scénaristique finalement assez proche ,mais le film de Darren Aronofski possède un monstrueux supplément d'âme mélancolique, celui d'un hommage sincère et émouvant aux gens qui auront sacrifié leur corps et partiellement leur vie privé au spectacle car c'était peut être la seule chose qu'ils savaient faire. Le film est aussi un touchant portrait en filigrane de Mickey Rourke lui même et si il vous fallait encore une preuve que le film est une magnifique ode mélancolique aux héros ordinaires et fracassés de l'Amérique, le film se termine sur une magnifique chanson de Bruce Springsteen, si ça c'est pas une preuve ...

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le 9 juil. 2022

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Freddy K

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