Je dois la vision de ce film à Pascal Thomas, venu le défendre avec fougue aux micros de Stephane Bou et Thoret sur France Inter il y a quelques temps, enchanté par la grâce de ce film qui n’avait pas l’exposition méritée à ses yeux.
Pour qui connait le cinéma intimiste et tendre de Thomas, on peut comprendre sa sympathie pour ce film, tout comme on comprendra à quel point sa francitude pourra irriter un certain nombre.
Le film joue avec lucidité sur un cadre on ne peut plus convenu : deux frères médecins amoureux de la même femme. Leur profession permet d’explorer une nouvelle fois cette position ambivalente entre le curateur et l’être fragile : l’un est alcoolique (mais en phase de rémission, dans son versant propre à l’image, si on veut), l’autre un peu maladroit dans sa socialisation. On soigne, on écoute les gens dans un quartier chinois qui profite de la générosité de ces deux personnages sans femme ni enfants, apparemment entièrement dévoués à leur profession.
Un rien démonstratif par instant, un poil trop écrit dans certaines répliques, le scénario n’évite pas certaines maladresses. Celles-ci sont néanmoins souvent excusées par la tonalité générale, très douce, et des comédiens tous excellents ; le spectateur est sans doute aussi troublé que les frères célibataires par l’irruption de Louise Bourgouin, d’une splendeur discrète et dont les sourires vernissent les fêlures. Surtout fondé sur l’ellipse quand il s’agit d’évoquer les aspects les plus saillants du mélo (l’amour, les crises des malades…) le film tisse avec délicatesse et une empathie profonde la destinée feutrée de personnages en prise avec la vie. On n’oubliera pas de sitôt le plan montrant Judith après l’amour, en plongée, sa chevelure ruisselante au sol, le visage serein, dans cet état de suspension qui prolonge la fusion avec l’autre tout en évitant de la verbaliser.
Ce genre de passages prouve avec force le regard d’Axelle Ropert qui se révèle à son tour le médecin de cœurs : en empathie avec des personnages délicatement perdus, en quête d’un amour qu’ils semblent oser une dernière fois appréhender avant le renoncement définitif.
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Enfance, Mélo, Vus en 2014 et Les meilleurs films sur la médecine

Créée

le 19 août 2014

Critique lue 674 fois

20 j'aime

4 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 674 fois

20
4

D'autres avis sur Tirez la langue, mademoiselle

Tirez la langue, mademoiselle
CamilleDlc
7

Amour à huis-clos pour oiseaux de nuit

Ayant vu il y a de cela quatre ans le premier film d'Axelle Ropert, La Famille Wolberg (avec la regrettée Valérie Benguigui), je me souviens avoir été sensible à l'époque à l'atmosphère. Indépendante...

le 7 sept. 2013

7 j'aime

4

Tirez la langue, mademoiselle
PatrickBraganti
8

Médecins de quartier

Deux frères médecins, Boris et Dimitri, exercent dans le même cabinet au cœur du 13ème arrondissement, pas loin de la Place d’Italie. Solitaires, vivant dans deux appartements en vis-à-vis, ils...

le 4 sept. 2013

7 j'aime

2

Tirez la langue, mademoiselle
adamkesher01
5

Dites, tente à trois

Il est de ces films que vous traversez sans mal mais ne vous marque pas. Ce deuxième long d'Axelle Ropert (chroniqueuse au Cercle et aux Inrocks) est divertissant mais quelconque. Durée de vie...

le 9 sept. 2013

6 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

766 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53