La partie purement technique, encyclopédique, du documentaire sur l'accident de juin 2023 ayant conduit à l'implosion d'un prototype de sous-marin lors de son voyage à près de 4000 mètres de profondeur à la rencontre de l'épave du Titanic, constitue la partie la plus intéressante de "Titan: The OceanGate Disaster". Mark Monroe sollicite de très nombreux témoignages d'experts, couvrant une grosse dizaine d'années de développement de l'appareil, faisant état d'aussi nombreux soucis (que ce soit dans les normes non-respectées ou les imprudences commises par la direction) : à ce titre il entre dans la catégorie des docus à charge, et c'est aussi le principal reproche qu'on pourrait formuler à son encontre. Il aurait été très bénéfique d'avoir des témoignages de la partie adverse — mais le PDG d'OceanGate (Stockton Rush, ce nom de grand méchant de film) est mort avec les quelques passagers embarqués dans le submersible : il n'y a plus personne pour défendre son point de vue, et la société a suspendu toute activité depuis l'accident mortel.
Mais cela n'affecte pas dramatiquement l'intérêt d'un tel projet, qui pointe du doigt toutes les défaillances lors de la phase de conception (geste assez facile, après un incident, que de relever tous les problèmes antérieurs a posteriori) et surtout établit le portrait d'un patron incroyablement taré, complètement mégalomane, et assez effroyable dans la manifestation de ses incompétences en matière de gestion des ressources humaines. C'est simple, un employé montre un signe de tiédeur ou de prudence exagérée (j'exagère mais c'est l'idée) concernant le projet, il est viré. On comprend à quel point le gars mettait sa vie en jeu à chaque plongée de l'engin expérimental, ainsi que celle des personnes qui l'ont accompagné, tout en prétendant qu'il n'y avait absolument aucun risque. La pression financière sur l'entreprise qui gonfle à chaque nouvel essai raté, avec cette sensation d'être engagé dans une fuite en avant perpétuelle, en espérant que tous les problèmes seront résolus les uns après les autres. Le constat est accablant : un sous-marin conçu de manière inadéquate (notamment la structure du caisson de pression), le non-respect des normes / de la maintenance / des inspections régulières nécessaires, et toute la série d'anomalies détectées lors des plongées précédant l'accident de 2023.
On aborde également le traitement médiatique de la catastrophe, avec les fameuses chaînes d'info en continu et leur compte à rebours aussi morbide (l'équipage va-t-il être sauvé avant les 96 heures de réserve d'oxygène ?) que hors-sujet (le sous-marin avait implosé depuis le début). Les aspirations de Stockton Rush qui se voyait comme le Musk ou le Bezos des fonds marins (super les modèles) en proposant des voyages pour millionnaires, et in fine l'ego prenant une place considérable sur la raison.