Titus
6.6
Titus

Film de Julie Taymor (1999)

J'aurais bien voulu passer à côté de cette nouvelle séance et rester discret sur ce gros 8, mais je ne peux pas... J'aurai aussi voulu le revoir et me rendre compte cette fois que c'est du pur foutage de gueule, que je passe donc de 9 à 5 parce que c'est pas possible une mise en scène aussi tape à l'oeil pour rien, et ces acteurs qui cabotinent aux limites de l'indécent, et cette pièce de Shakespeare elle-même qui mérite à peine une adaptation tant elle est violente, sadique, déjà vue, gros sabot et unidirectionnelle dans son propos. J'aurais voulu te prévenir, toi classikien pur comme la colombe tarkovskienne, qu'il ne faut surtout pas t'arrêter devant cette chose purulente, déchet télévisuel d'une pièce maudite de Shakespeare recomposée pour l'écran non sans effet choc gratuit, que tu ferais bien de t'en éloigner au plus vite si tu ne veux pas te faire mal aux yeux de cette photo tristoune, de cette mise en scène malade sans le moindre sens probant au fond, qu'elle soit prise côté expérimentale ou classique. Voilà, voilà...

Bon mais fuck hein. J'ai pris mon pied à nouveau, moins que la première fois mais ça vaut quand même toujours sacrément le détour cette histoire d'amour, de mort et de famille bien saignante et sans limite comme on l'aime. Mmmh, comme je l'aime. Si vous aimez le baroque, le péplum, Shakespeare et Anthony Hopkins, foncez, tout y est ici mélangé à l'extrême avec bonheur. Pas de bataille par contre hein, ça reste intime.

Las de ses années de service et des guerres qu'il a gagné loin de Rome, Titus Andronicus (démentiel Anthony Hopkins), le super Général fidèle et irréductible revient de campagne avec ses troupes toutes boueuses, dont certaines à motos (!). Il est accueilli par son petit fils qui s'amusait avec des figurines (!) avant que sa baraque n'explose (!). Il le conduit dans le grand amphithéâtre, siège de la présentation grandiloquente où Titus va bientôt nommer le perfide et méchant Saturninus (Alan Cumming en mode petite pédale criarde) à la succession du pouvoir plutôt que son fils aîné, aimé et plébiscité par tous les gentils, le chef de légions Lucius (le trop peu présent sur les écrans Angus Macfadyen). Titus offre aussi au nouvel empereur ses vaincus, la Reine des Wisigoths, Tamora (excellente Jessica Lange), ses deux fils tarés notoires et un Maure plus perfide que Kaa et Freddy réunis (sublime Harry Lennix, son meilleur rôle).

Mais bientôt, tout de suite même, on n'a pas le temps de tergiverser en fait, Saturninus demande la main de la petite chérie de la famille Andronicus, la belle Lavinia. Titus en bon fidèle accepte sans broncher, alors que sa famille au contraire fulmine, en particulier le fiancé désigné, Demetrius, qui la réclame au nez et à la barbe de la décision irrévocable du nouvel Empereur. Titus tue alors deux de ses fils rebelles et commence à maudire sa descendance. C'est alors que l'Empereur Saturninus agacé par cette famille à problème vire Lavinia et décide de prendre la Reine Tamora à sa place, destituant peu ou prou par la même occasion Titus jusqu'à le traîner dans le déshonneur total.

Et ce n'est que le début. Lavinia va se faire violer par les deux fils de Tamora (dont un Jonathan Rhys-Meyers, débraillé et obsédé en mode super cabotin). Ils vont aussi lui couper les deux avant-bras et la langue, le tout dans un marécage putride typiquement malodorant, scène rappelant fortement Conan le barbare...

Bref, c'est génial. C'est noir, c'est glauque, ça meurt, ça se trahit, ça luxure, ça se griffe, ça se descend par derrière, ça monte des plans machiavéliques, Julie Taymor réalise le tout sans grand génie mais avec un panache personnel visible dès l'intro, une vraie direction artistique originale qui enchaîne scènettes théâtrales sur tirades habitées, et une envie évidente de tout faire péter la bienséance et de montrer Shakespeare sous un autre jour plus macabre et infernal encore que de coutume.

C'est formidable. ^^ Excellent mélange entre Shakespeare et du Punk (light). Je conseille vivement ce monument baroque, rien que pour voir Anthony Hopkins à fond.
drélium
8
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le 26 nov. 2013

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drélium

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