Quand la prévention écrase l’émotion !

Si on exclut de potentielles ressorties futures, TKT est la dernière occasion de voir la trop tôt disparue Émilie Dequenne sur grand écran. Je ne voulais pas manquer l’occasion de rendre hommage encore une fois à cette comédienne aussi rayonnante que belle, talentueuse et charismatique. Et disons-le franchement, c’est la seule raison qui m’ait poussé à aller voir ce film et à ne pas regretter de l’avoir fait, en dépit de la qualité médiocre de l’ensemble.


Non, ce n’est pas parce que c’est une œuvre d’utilité publique que je vais en dire du bien. Parler de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement est une chose absolument essentielle, c’est incontestable. Et c’est très bien, de la part de la réalisatrice Solange Cicurel, de montrer le harcèlement comme un phénomène complexe et progressif, qui peut partir de petites tensions pour aller de plus en plus vers le point de non-retour, tout en soulignant qu’il est souvent le résultat d’une responsabilité collective, active ou passive.


Reste que j’ai eu l’impression d’avoir davantage affaire à un spot de prévention qu’à un long-métrage de cinéma, notamment parce que la cinéaste est plus soucieuse de délivrer un message didactique, en appuyant fortement le discours de fond (en particulier par le biais de réactions de personnages et de dialogues trop démonstratifs pour apparaître naturels !) — ce qui part d’intentions louables, je ne dis pas le contraire — comme si on n'était pas capable de réfléchir par soi-même, de faire ses propres constatations, au lieu de nous offrir un ensemble pleinement incarné.


Il suffit de voir aussi le nombre de personnages et d’arcs narratifs qui restent très survolés, sacrifiant, en conséquence, un fort potentiel dramatique ainsi que la possibilité de bien creuser l’existence quotidienne de la protagoniste et nous la rendre plus familière. Une heure et vingt-deux minutes, c’est beaucoup trop court pour parvenir à traiter correctement tout cela.


En outre, le fait que la narration adopte le point de vue de la malheureuse harcelée qui revit, sous la forme d’un fantôme ou d’un double sorti de son corps, les événements passés qui l’ont poussée à commettre l’irréparable, offrait un vivier intarissable d’idées scénaristiques et visuelles. Or l'intrigue et la mise en scène restent à ce niveau-là d’une platitude complète.


Et pour finir, à l’exception d’Émilie Dequenne et de Stéphane De Groodt — sous-exploités —, les actrices et acteurs ne sont guère convaincants. Je pense surtout aux jeunes, y compris, hélas, à la comédienne principale, Lanna de Palmaert. Et le problème, c’est que le film repose énormément sur eux.


Alors, j’ai conscience que, par rapport à la gravité extrême du sujet, mes reproches peuvent paraître déplacés. Mais quand on a pour ambition de réaliser un film de cinéma, on a le devoir de le rendre un minimum cinématographique. D’autant plus que, pour moi, si Solange Cicurel n’avait pas négligé cet objectif artistique, cela n’aurait en rien limité la portée émotionnelle de l’histoire. Au contraire, je pense que cela aurait rendu le résultat bien plus marquant et impactant.

Plume231
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le 25 sept. 2025

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Plume231

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