Je ne connais pas bien William Dieterle mais il n'aurait pas à rougir aux côtés d'autres grands noms du cinéma américain qui aiment passer de grosses couches de pommade moralisatrice au creux de films qui prennent l'aspect de fables. Personnellement il n'y a pas un parti pris artistique qui ne m'ait pas posé problème dans "Tous les biens de la terre" (aussi connu sous les dénominations "All That Money Can Buy" et "The Devil and Daniel Webster", signe d'une production mouvementée). Et ça commence par la description de la vie dans cette petite ferme qui annonce 35 ans avant "La Petite Maison dans la prairie", avec une belle bande de truffes côté acteurs, James Craig en fermier benêt et malchanceux, Walter Huston en diable cabotin jusqu'à l'écœurement, Jane Darwell en mère puritaine garante des saintes valeurs, Edward Arnold en homme politique intègre — en comparaison Simone Simon dans le rôle de la femme fatale qui introduira un peu plus de perversion dans le foyer donne l'impression d'être une excellente actrice.
Bref, un récit de pacte faustien (hasard : peu de temps après avoir vu le long-métrage de Jan Švankmajer sur le même thème) qui plante son décor sans nuance et qui traitera les problématiques sans talent aucun. Le fermier est dans la mouise, il contracte un pacte avec le diable sans sourciller, il subit la corruption de son âme pendant plusieurs années, et à la fin, au moment d'être jugé quand le diable vient réclamer son dû, un deux ex machina de l'espace vient le sauver, au moyen d'un tribunal spécial convoqué par une personne pure (le politique idéaliste qu'on croirait sorti d'un film de Capra). Dieterle a eu la main franchement lourde là-dedans, tout ça pour illustrer mollement le pouvoir néfaste de l'argent sur les âmes, en manipulant des stéréotypes opposés plutôt rances (la sainte et la putain grosso modo). Dans cet espace exigu, les quelques bourgeons faisant office de trucs réussis (le surréalisme du tribunal final incluant des damnés de l’histoire américaine, la dualité Satan / oncle Sam comme dernière image "I want you", la présence du mal dans l'histoire passée des États-Unis à l'époque du massacre des Indiens ou de l'esclavage des Noirs) ne peuvent à aucun moment fleurir.