Inde, images intemporelles, L & K, lettres et le néant. L est étudiante en cinéma, elle écrit son amour à K après leur séparation forcée. Entre amours vivants, déclarations tendres et nostalgie onirique on apprend que K, qui n'aura ni image, ni visage et pas plus de voix, est enfermé par sa famille parce qu'il est issu d'une caste considérée comme étant supérieure. Dans ses lettres retrouvées, L est sceptique quant à son avenir, elle s'interroge, doute, souligne la vie sur le campus qui se rigidifie depuis l'arrivée d'un acteur, membre du RSS (nationalistes hindous) dans le costume du nouveau directeur de l'université. Alors, le réel s'écrase contre l'écran : on est en 2015, Trump vient d'être élu à l'autre bout du monde mais les actualités nationales lui balayent la mèche. Les lynchages suivent les exécutions, les viols éructent à la gueule des suicides, les étudiants se lèvent, apeurés mais révoltés. Après les lettres, le néant. Pour Sartre, auteur de L'Être et le Néant, "jamais nous n'avions été plus libres que sous l'occupation allemande". Libres dans la jungle indienne, L et ses camarades veulent mettre un terme à la corruption, abolir les castes, défendre la diversité des opinions, la couleur des idéologies, éviter la censure.


L a-t-elle aimée K ? "Quand on a aimé, qu'est-ce qui est à craindre ?" écrit-elle. En Inde, sous le pouvoir actuel, les opprimés sont libres d'avoir peur, libres de craindre ce pouvoir qui persécute, qui sédimente une société par les castes, qui refuse que l'amour se libère du corset des situations familiales. À mesure que la Police lynche, violente, réprime gratuitement, la crainte monte, main dans la main avec la peur. Le sang coule mais les certitudes tiennent encore : il faut maintenir le passé et préserver le futur. Il faut broder, tisser des fils d'espoir, former des files indiennes pour faire corps afin que L ne soit pas que Lutte mais Liberté et que l'Inde s'agrandisse, ouvre d'autres portes et devienne si vaste qu'on la nommerait Indépendance.


La nuit est venue, elle est tombée, elle n'est pas prête de se relever. Maintenant, nous savons. Nous savons que ce film n'est pas qu'un film. Nous savons qu'il transcende la culture, qu'il traverse les frontières, qu'il anime les émotions. Nous savions déjà que les grands films partageaient ces traits. Nous savons que Toute une nuit sans savoir en fait maintenant partie.

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le 16 nov. 2021

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