Traffic, c’est une vaste toile d’araignée : collante, aux fils serrés, translucides et mortels, auquel personne ne peut échapper. L’araignée qui tisse cette toile, c’est la drogue. Et c’est de la façon dont chacun s’englue, se débat ou se laisse mourir, tente de s’échapper ou s’y jette les yeux fermés que Steven Soderbergh ( Solaris, Magic Mike, Ocean’s Eleven ) nous en parle avec Traffic.

Traffic, c’est donc une sorte de croisée des chemins et des destins : on suit Javier Rodriguez ( Benicio Del Toro ), un policier mexicain de Tijuana qui voit grand et n’a pas froid aux yeux. Lorsqu’il est approché par Arturo Salazar, un général de la lutte anti-drogue (Thomas Millan ) , l’occasion pour lui de frapper un grand coup contre le cartel de Tijuana se présente à lui, seulement, derrière cela se cache de sombres enjeux politiques... Ensuite il y a Helena Ayala ( Catherine Zeta-Jones ) ,la femme d’Arnie Metzger (Dennis Quaid ), un riche homme d'affaire soudainement arrêté pour trafic de drogue, qui voit sa vie basculer et qui entame alors une course-contre-la-montre ,afin de sauver son mari de la décision du tribunal qui la menace elle aussi directement. Montel Gordon (Don Cheadle ) quant à lui est un agent de la D.E.A. qui essaie lui aussi de remonter les filières du trafic et ainsi diminuer drastiquement l’apport de drogues aux USA, en compagnie de son coéquipier (Luis Guzman). Pour finir, Robert Wakefield (Michael Douglas) se voit chargé par le gouvernement des États-Unis de gérer la politique anti-drogue et de prendre les décisions politiques nécessaires pour combattre le trafic. Seulement, il se rend compte qu’il est difficile d’éradiquer un mal qui ronge sa propre famille lorsqu’il découvre que sa fille (Erika Christensen) se drogue régulièrement.

Récompensé de 4 Oscars (Meilleur réalisateur, meilleur second rôle pour Benicio Del Toro, meilleur scénario adapté et meilleur montage), le film avait fait parler de lui lors de sa sortie en 2001. Le film possède un côté esthétique nineties très intéressant, crasseux, aux caméras nerveuses et vibrantes, les scènes s’enchainant de manière brutale, décousue et sans perte de temps, un peu à la manière de la série The Shield.

L’usage du filtre est extrêmement employé ici. Ainsi, lorsque nous suivons Javier Rodriguez au Mexique, l’image est jaune, désertique, brûlante, poussiéreuse. Lorsque nous sommes du côté de Mr. Anti-drogue et que nous assistons à la descente aux enfers de sa fille et de sa vie privée, l’image est bleue, froide, glacée, comme un corps raidit par les liquides de décomposition. Et lorsque les destins s’entremêlent, le jaune et le bleu se fondent un court-instant en un vert couleur acide, mortel, rongeant celui qui ose s’y plonger. Et entre les deux, nous avons Montel Gordon qui tente de protéger son témoin pour faire tomber Arnie Metzger, tandis que sa femme est prête à tout pour l’éliminer, telle une vipère, sournoise et mortelle : eux sont filmés sans filtre, comme pour indiquer qu’ils sont au centre de la toile, que le piège se refermera sur eux en dernier, qu’ils font partie d’un tout qui les dépasse, à cheval entre deux réalités.

Et puis il y a cette ambiance sonore, qui vient parfois supplanter totalement l’image et ce qui s’y déroule, transformant ainsi une explosion en un souffle sourd et lointain, et c’est alors en nous-même que la détonation se produit. Pas vraiment de musique donc, mais un travail de fond précis et efficace qui renforce le suspens sans trop en faire, comme bien souvent – hélas – dans les thrillers d’actions.

On reprochera peut-être au film d’être un peu long, de prendre son temps, pour un climax qui n’est peut-être pas la hauteur. Seulement, un dénouement ne doit pas forcément se faire au sein de scènes d’actions intentes et impressionnantes, et Traffic le montre bien en se concentrant sur les dégâts psychologiques et sur les vies tordues, abimées, voir détruites par la drogue et ce qu’il en découle.

Un classique du genre, qui se doit d’être vu au moins une fois .Certes, ce n’est pas une pièce maîtresse dans le domaine des films sur la drogue, mais la vision abordée par Steven Soderbergh ici mérite sans aucun doute que l’on s’y attarde. Parfait pour une soirée décontraction.
TheMyopist
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le 12 févr. 2014

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