Basé sur une mini série britannique, Traffic, magistralement mise en scène, suit le cheminement de la drogue entre le Mexique et les Etats-Unis.
Tout auréolé du succès de son Errin Brockovich, Steven Soderbergh frappe une nouvelle fois là où on ne l'attend pas en réalisant une sorte de docu-fiction sur l'un des pires fléaux de son pays. Depuis Hors d'atteinte, le réalisateur de Sexe, mensonge et vidéo (palme d'or) et de Kafka s'affirme auprès du grand public, bien qu'il change radicalement de mise en scène à chaque nouvelle œuvre. Si pour Errin Brockovich sa caméra se focalisait sur son héroïne un peu à la manière de l'âge d'or hollywoodien où les stars faisaient le succès d'un film, avec Traffic, le metteur en scène privilégie la réalisation en faisant défiler devant son objectif une multitude de vedettes se contentant toutes d'un petit rôle.
Traffic mêle très adroitement trois visages de la drogue. On suit l'enquête d'un flic mexicain incorruptible (Benicio Del Toro parfait) en prise avec un général devenu ponte du trafic dans sa région. Au même moment, un juge américain (Michael Douglas impérial), élu Monsieur anti-drogue par Washington, découvre que sa fille adolescente s'adonne à toutes sortes de paradis artificiels dévastateurs. Enfin, une femme enceinte (Catherine Zeta-Jones impeccable) essaie d'aider son trafiquant de mari lors de son procès en sombrant dans une criminalité administrative.
Avec un sens du montage particulièrement savant, Soderbergh, entremêle ces trois épisodes par des allers-retours entre le Mexique et les Etats-Unis en plaçant sa caméra à la frontière des deux pays, nous faisant croire, par de subtils champs, contrechamps, que les protagonistes se croisent devant nos yeux. D'aucuns reprocheront au réalisateur d'utiliser de manière gratuite des filtres jaunes pour évoquer le Mexique, mais c'est là sa vision des choses, son intuition artistique et il est clair que la lumière mexicaine n'a rien à voir avec celle des Etats-Unis. Il est aussi relativement idiot de taxer Traffic de moral, car la fin, trop souvent mal interprétée, tient plus de l'ironie que du constat social.