Étrange et dérangeant, Transfiguration combine le film de vampire et le réalisme social de bien belle manière.


On pensait avoir déjà tout vu en termes de film de vampire. Mais avec TRANSFIGURATION, premier long-métrage de Michael O’Shea, le genre dévie vers quelque chose d’inattendu. Impossible de cataloguer uniquement le film dans le fantastique ou l’horreur, ni d’y voir un film social, témoin de la situation dans les ghettos de New York – le film se déroule au sein d’une cité du Queens. Un peu à la manière de l’excellent It Follows (même s’il en reste très éloigné sur de nombreux points) O’Shea mélange les deux, imbrique à la perfection l’un dans l’autre pour provoquer un sentiment étrange, un malaise indescriptible où le réel se confond avec une atmosphère onirique.


Milo, un adolescent du Queens qui vit seul avec son grand frère, est un vampire. Du moins d’après lui. Evidemment Michael O’Shea laisse planer le doute. Vraisemblablement perturbé depuis le suicide de sa mère, Milo pourrait n’être « qu’un » tueur en série, trop influencé par les innombrables films du genre qu’il regarde. Jusqu’au bout, on ne saurait trop dire le choix du réalisateur, celui-ci faisant bien attention de toujours laisser les deux portes ouvertes – le doute venant surtout du rejet alimentaire de Milo, mais pouvant être mis sur le compte du sang autant que d’une alimentation “normale”.


Ceci étant, il y a une réalité que le spectateur ne peut pas nier. Ce garçon tue des inconnus. Le rapport avec ce personnage devient évidemment complexe. Mais en faisant intervenir Sophie, une jeune fille de son immeuble tout aussi détruite que lui – battue par son beau-père, elle trouve un temps une forme de libération en se scarifiant les bras – le réalisateur crée un duo touchant. Deux jeunes (très bien interprétés par Eric Ruffin et Chloe Levine) qui s’en sortent comme ils peuvent au milieu de la violence quotidienne et de la misère. Le réalisateur touche ainsi à un cinéma social sans pour autant tomber dans l’évidence, le déjà vu ou le film à discours.


A voir Milo et Sophie discuter de films de vampire, de Nosferatu (Friedrich Murnau, 1922) à Twillight en passant par Morse (principale référence pour O’Shea) ou Dracula Untold, quelque chose de comique se dégage même parfois de TRANSFIGURATION. Notamment avec le point de vue de Milo, qui préfèrent les films avec des « vampires réalistes et qui ne brillent pas ». Un plaisir certain de cinéphile pour le réalisateur mais qui rend la chose surtout bénéfique à la création d’une complicité entre les protagonistes, alors de plus en plus attachants, et le spectateur. TRANSFIGURATION évite jusqu’au bout toute perte de crédibilité. Surprenant, il met évidemment mal à l’aise et dérange – entre autres via des choix de mise en scène et une utilisation subtile de la musique -, mais parvient à fasciner au plus haut point et ne laisse pas indifférent.


Par Pierre Siclier pour Le Blog du Cinéma

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le 2 août 2017

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