La légende disait vrai : c’est un (très) mauvais film. Les plus affamés et connaisseurs du cinéma d’Argento trouveront peut-être un vague plaisir à identifier les motifs qui parcourent tous ses films (insectes, trauma originel, mésinterprétation optique, décapitations et beaucoup d’autres encore), mais ce n’était pas vraiment mon cas, tant tout m’a paru mimé, collé, reproduit.
Le rythme est catastrophique : les à-côtés du cinéma d’Argento prennent une ampleur et une consistante déconcertante, comme l’histoire amoureuse entre les deux personnages principaux, tandis que les scènes de tension, habituellement extraordinaires chez lui, sont bâclées et parfois même “illisibles”, comme si la caméra était toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Et puis les lieux… Pourtant cinéaste architecte par excellence, ici Argento est impuissant. Cette Amérique de malheur devient une espèce de nulle-part cliché, visité en touriste, un pauvre décor. Où sont les fantômes qui habitent les murs de ses films européens ?
La musique de Pino Donaggio donne l’impression constante d’être dans un mauvais de Palma. La scène matricielle qui nous donne le motif des meurtres est risible au dernier degré - mais Argento a toujours joué avec le feu : les excès qui réussissent sont sublimes, ceux qui échouent sont grotesques. J’en passe… Et peut-être que la plus grosse trahison qu’Argento fait à son art, c’est que la résolution de l’affaire criminelle, son explication, me paraît “classer” l’énigme entière du film. Le mystère ne survit pas, et tout semble rentré dans l’ordre : calamité toute américaine. Le happy end de Trauma donne jusqu'à l'impression que Aura Petrescu, l'héroïne malade de l'histoire, va guérir de son anorexie et que plus rien ne viendra troubler son amour avec son sauveur, le jeune et beau David. Je veux dire, dans Suspiria, Profondo rosso, Opera, Ténèbres, Phenomena, et d’autres encore, il y a une part d’irrésolu, un secret qui dépasse le "whodunit" auquel le film répond plus ou moins. Un irrésolu qui s'exprime ou par une fin abrupte (Suspiria ou Ténèbres), un calme soudain et presque comique juste après un acharnement de l'horreur (Phenomena ou Opera), ou un dernier plan énigmatique (le rire de Jessica Harper dans Suspiria encore, ou le reflet dans la flaque de sang de Profondo rosso). Ce qui explique en partie le pouvoir de hantise de ces absolus chefs-d'œuvre.
Trauma, donc, c’est Argento qui remâche son travail et en livre un succédané sans âme. Un Argento désargenté.