Le nouveau film de l’Australien John Hillcoat s’ouvre avec un prologue infernal, survitaminé et mené à cent à l’heure. Un premier braquage sous haute tension, dopé par une caméra à l’épaule implacable et une musique intense, sur laquelle a aussi travaillé Atticus Ross, un des fidèles collaborateurs de David Fincher. Ces 10 premières minutes ne lâchent pas le spectateur et s’avèrent une promesse extrêmement forte quant à ce que sera la suite de l’histoire. Le souci, c’est que ce même spectateur déchante aussi rapidement qu’il s’était emballé.


Passé ce premier casse brillamment mis en scène, le film s’intéresse à la poignée d’hommes qui composent l’équipe ayant réalisé le coup. La particularité ici étant la présence de flics ripoux au sein même du groupe et surtout, le fait qu’il soit commandité par une mafia russe-juive, dont la figure autoritaire est personnifiée par une Kate Winslet qui se démène pour mettre en valeur son accent d’Europe de l’Est. Intrigant au début, les rares apparitions des différents membres et de cette dernière, frôlent ensuite la parodie. Mais le plus gros souci est l’impression de fouillis général qui caractérise cette présentation des personnages, pour la plupart caricaturaux, (en plus de Winslet, le rôle de Woody Harrelson ne se démarque pas non plus par sa finesse d’écriture) ainsi que la scène d’exposition, censée être claire et nette pour ne pas nous perdre, justement. L’ambition ici était sans doute de lorgner du côté du film choral, mais la sauce ne prend pas. Dommage, car le film de braquage était un dispositif qui permettait largement de s’intéresser aux acteurs composant les deux clans dits de gendarmes et de voleurs, à l’instar du toujours fascinant et indétrônable Heat et ses 3h de Michael Mann, n’en déplaise à l’affiche et sa phrase promotionnelle vantant ce Triple 9 comme « le meilleur film de braquage depuis Heat ». Non, car même The Town de Ben Affleck fonctionnait quand même mieux.


Photo du film TRIPLE 9


Ainsi, l’empathie est en retrait et ce, malgré le côté binaire de certains personnages, dont le traitement aurait pu être beaucoup plus complexe et passionnant. Il est aussi regrettable de constater que les plus intéressants ou charismatiques se révèlent secondaires ou subissent rapidement un sort tragique. Se voulant novateur, le film de Hillcoat rentre finalement tranquillement dans les rails à mesure que défilent lentement les minutes, la faute à un scénario qui ne prend pas assez de risques et se réveille trop tard. De ce fait, la situation amenée autour du fameux « code 999 » laisse une vilaine impression de gâchis, car malgré une idée astucieuse, le récit ne réussit plus à véritablement nous captiver. Il restera néanmoins quelques autres séquences d’action assez musclées, témoignant une fois de plus d’un certain savoir-faire, mais qui peinent à retrouver la hauteur du pic d’intensité du prologue.


« Passé un prologue infernal, TRIPLE 9 déçoit en se révélant peu captivant, car affaiblit par des personnages fades et caricaturaux. »


Suspense et tension en retrait, scénario lâche et inutilement compliqué à suivre pendant une trop grosse partie et personnages peu attachants, John Hillcoat déçoit après des films plus risqués et radicaux comme l’étaient The Proposition et The Road. Avec Des hommes sans loi, il rentrait déjà dans un certain conformisme hollywoodien, un classicisme peu surprenant et c’est à nouveau cette impression qui nous gagne lors de la découverte de Triple 9, qui voulait nous faire croire à un renouveau du film de braquage. Déjà vu ailleurs en mieux, réchauffé et pas toujours maîtrisé, on pourra toujours se consoler en se délectant du soin apporté au travail sonore et à quelques scènes sympathiques ça et là.


Critique par Loris, pour Le Blog du Cinéma

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le 18 mars 2016

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